Je viens de revoir "la charge héroïque" après avoir revu hier "le massacre de Fort Apache" et avant de revoir demain "Rio Grande" ; c'est la première fois que j'enquille les trois dans la foulée. Et je me rends compte que je me suis planté !
Oh, ce n'est pas très grave : le problème est que j'aurais juré que John Wayne jouait trois fois le même personnage Kirby York à trois périodes de sa vie dans les trois westerns. Eh non, dans le deuxième, "la charge héroïque, il joue le rôle d'un capitaine Brittles qui devient à la fin Colonel mais ce n'est pas le même !
Mieux, Victor McLagen joue ici un autre personnage que dans le premier opus. Par contre, il jouera le même personnage dans le troisième…
Le contexte de "la charge héroïque" se situe après la défaite de Custer alors que les indiens continuent sur la même lancée et s'unissent pour bouter la cavalerie des Etats-Unis hors des frontières sous la bannière de Sitting Bull. Pendant ce temps, dans un fort proche de Monument Valley, un vieux capitaine est sur le point de prendre sa retraite et doit conduire une dernière patrouille et accompagner la femme et la fille du commandant vers une région moins hostile.
Encore une fois, le titre français modifie la perception du film pour le spectateur qui s'attend à un film guerrier avec beaucoup de bagarres et de morts à la clé. Le titre original est "She wore a yellow ribbon" bien plus romantique, repris par la chanson du film chantée par un chœur d'hommes et faisant allusion au ruban que porte la fille du commandant comme symbole d'attachement à un homme.
Des morts, en fait, il y en a très peu à part les trafiquants d'armes qui se font tuer par les indiens qui trouvent les fusils trop chers. Ford laisse même entendre que ce n'est pas vraiment une perte.
Ce film se caractérise d'abord par une prodigieuse mise en scène et photographie.
La scène au cimetière entre un John Wayne qui raconte ses faits et gestes à la tombe de sa femme sur fond de Monument Valley le tout sur un ciel étrangement flamboyant. Elle se prolonge par l'arrivée de la fille du commandant qui apparait en ombre grandissante sur la pierre tombale. La scène se termine par le don d'un cyclamen, fleur symbolique de l'amour sincère et durable.
La présence de Monument Valley autour duquel tourne la patrouille est photographiée sous tous les angles dans le soleil comme sous la pluie et prend surtout dans le film une valeur de symbole.
Les couleurs sont magnifiques entre le rouge de certains ciels ou des tuniques indiennes, le bleu profond des uniformes de la cavalerie, le jaune du ruban ou des galons des uniformes ou l'ocre du désert.
La marche sous l'orage tonitruant avec les éclairs est saisissante.
Bien sûr, le film est un vibrant hommage à cette Cavalerie présentée comme une grande famille où tout le monde, hommes et femmes, savent dépasser leurs petites mesquineries pour le bien commun. C'est l'hommage à ces soutiers anonymes de la Cavalerie dont la mission est de défendre le pays et qui ne quittent pas le métier sans verser leur petite larme. Ford a certainement envie de partager cette vision idéale et nostalgique d'une Cavalerie qui disparait peu à peu par la force des choses (comme dans toutes les armées du monde) mais qui avait su réconcilier les deux Amériques après la Guerre de Sécession.
L'interprétation est à la hauteur de l'ambition de Ford.
John Wayne joue le vieux Capitaine qui sous des aspects bourrus et autoritaires est en définitive très humain. Son émotion lors de la dernière revue de sa troupe est palpable et la mise en scène impeccable
Victor McLagen, le vieux routier de Ford, joue, comme d'habitude, le sous-off prompt pour boire un bon coup et se bagarrer.
Joanne Dru, celle qui porte le fameux ruban, est hyper romantique et hésite entre le lieutenant et le sous-lieutenant qui s'écharpent pour la conquérir.
Mildred Natwick est une piquante femme du commandant de la place, prompte à donner des ordres (comme le ferait un militaire) ; quand on est la femme du commandant, on a un rang à tenir, n'est-ce pas !
Pour finir, je dirais que Ford a laissé transparaitre tout au long du film une certaine ironie mais une ironie bienveillante rendant son hommage à la Cavalerie très acceptable et absolument pas rébarbatif pour les spectateurs de tous âges.