Quel dommage, d'avoir traduit ce titre ! JAGTEN, ça avait quand même plus de force. Et puis Jagten, Festen...
De la force, le film n'en manque pas. Rappelons sa trame, finalement très simple : un homme respectable est accusé à tort de pédophilie sur la base de quelques balbutiements de la fille de son meilleure ami. La chose prend évidemment des proportions incroyables.
Il n'est pas trop tôt pour mettre sur la table le grand défaut de ce film (quitte à revenir sur ses nombreuses qualités) : la simplicité de cette trame. On passe tout le film à détester les suspicieux, ces faux "méchants", et à vouloir que MM casse tout. Mais évidemment, il se refuse la violence, parle peu, reste mesuré... Et évidemment, la mère de la petite enfonce le mensonge dévastateur dans le crâne de sa fille... Et gnagnagna, "les mensonges des enfants peuvent convaincre les adultes des pires décisions, l'homme peut être si cruel"... Et surtout "évidemment", même la petite amie de MM se met à douter de lui.
Autant d'écueils que Vinterberg n'esquive pas.
On assiste donc dans le deuxième acte à une cascade de faits prévisibles et insupportables (mais plutôt dans le bon sens du terme, ou en tout cas dans le sens de Festen), sans toutefois pouvoir tellement imaginer une fin.
Sa fin, elle est sur l'affiche. La solution de Vinterberg pour son film tient en un regard.
Malgré tout ce que j'ai dit plus haut, ce regard est phénoménal. Cette scène est évidemment là pour faire exploser la violence que Lucas contient pendant tout le film, mais elle fait énormément de bien. On y reconnaît des thèmes chers à Vinterberg : l'humiliation d'un père, la décrédibilisation d'un événement traditionnel, l'étalage public d'un drame personnel...
Le troisième acte est assez difficile à regarder, notamment du fait qu'on pensait au milieu du film que rien ne pourrait faire revenir les personnages à cette situation. Heureusement, la toute fin crédibilise le tout : rien ne pourra jamais faire revenir les personnages à la situation initiale. Un constat dur, mais qui sauve le film (au risque de le rendre inachevé).
Malgré l'abandon de fait des préceptes de Dogma95, Jagten constitue un retour à la gravité et la profondeur des thèmes qui ont fait la renommée de son auteur. On peut également y voir de très belles images, et une réalisation globalement exemplaire. La distribution est piochée parmi les précédents Vinterberg mais aussi chez certains NWR, et le résultat est parfait.
Mads Mikkelsen est stratosphérique.
SI le thème de Jagten apparaît malheureusement comme une sorte de gigantesque Diabolicus Ex Machina, Vinteberg insuffle ici une force, une sincérité qui ne laissent pas indifférent. Cette sincérité n'est pas sans lien avec son goût du réalisme, indéniable dans ses premiers films et servi ici par exemple par l'utilisation de la caméra à l'épaule.
Au final, il y a une très bonne nouvelle dans Jagten : Vinterberg a enfin digéré les répercussions de Festen. Et avec un peu de chance, son prochain film sera peut-être du même niveau.
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