Pour apprécier vraiment "La chienne", il faut avoir vu "Panique" de J Duvivier (1946). Dans les deux versions Michel Simon crève l'écran. Voici donc les 7 erreurs entre ces deux versions :
1) Le nom du personnage principal n'est pas le même, même s'il est joué par le même acteur.
2) Le caractère du personnage principal est différent : d'effacé, victime d'une femme acariâtre (rôle passif chez Renoir), il apparaît plus inquiétant, en meurtrier potentiel (chez Duvivier).
3) La dame de petite vertu est incarnée par une actrice chevronnée (Viviane Romance chez Duvivier) alors que chez Renoir il s'agit d'une parfaite inconnue. Si elle se moque allégrement de sa victime dans les deux versions, il convient de spécifier que dans "Panique", elle s'introduit chez Mr Hire afin de déposer une preuve (sac à main) pour l'incriminer. Dans "La chienne", elle profite des largesses de Maurice Legrand et vit à ses crochets ainsi que son souteneur qu'elle fait passer pour un parent.
4) Si Dédé le souteneur est un personnage haïssable qui pratique aussi la traite des blanches chez Renoir, il n'est pas présenté comme un criminel (comme celui de "Panique") dès le début du film. Ce qualificatif ne lui est attribué (à tort) qu'à la fin où la concierge témoigne de sa sortie de l'immeuble alors que Michel Simon s'est éclipsé en douce à la faveur d'un attroupement provoqué par des musiciens. Dans "Panique" le souteneur ne parvient pas totalement à faire endosser son crime, bien que sa victime périsse en tombant d'une gouttière.
5) Certains films traduisent l'atmosphère générale de leur époque. Celui de Duvivier (1946) montre une chasse à l'homme qui fait inévitablement penser à l'épuration survenue après la Libération. On ne retrouve pas cette dernière préoccupation chez Renoir qui met en exergue le retour du premier mari passé pour mort à la fin de la Première Guerre.
6) Le personnage principal n'a pas le même statut social. Mr Hire est docteur et appartient à cette bourgeoisie de province, férocement dépeinte par Flaubert dans "Madame Bovary", même s'il est rejeté par ses pairs. M Legrand est employé dans une bonneterie et ne doit son aisance qu'à la fortune de sa femme. Lorsque l'adjudant revient et reprend sa place, M Simon vit dans la précarité et doit détourner de l'argent dans la caisse de son patron pour assurer le train de vie de sa grisette et de son souteneur.
7) Malgré cette différence de statut social, le modeste employé, peintre à ses heures, contribue plus activement à l'ascension sociale de sa grisette qui lui rend bien mal son amour puisqu'elle lui fait une scène abominable le conduisant par dépit à la tuer.