A travers un rise and fall qui apparait classique dans sa structure, la Chute d'un caïd s'inscrit dans la lignée des biographies de gangsters comme Baby Face Nelson de Don Siegel, Mitraillette Kelly de Roger Corman, ou Al Capone de Richard Wilson, tous tournés entre 1957 et 1960. L'originalité de ce film réside dans le traitement choisi par Budd Boetticher ; cinéaste de l'action, maître de la série B qui excelle dans le montage vif, la nervosité et le style percutant, Boetticher prouve ici qu'il est aussi doué pour le film de gangster que pour le western.
Considérant que les tueries à coups de rafales de mitraillettes Thompson et les scènes de réglement de comptes pouvaient lasser un public qui en avait trop vues, Boetticher a adopté un ton et un style de comédie, à travers un cadre sérieux, mais en traitant les scènes tragiques de manière assez drôle, brisant ainsi les conventions du film de gangster, ce qui donne parfois une touche assez curieuse. Oh mais rassurez-vous, on n'est pas non plus dans la gaudriole qui casse les mythes, le réalisateur a fait d'importantes recherches et est resté très fidèle aux événements réels qu'il relate en livrant à travers son portrait de "Legs" Diamond, un beau panorama du gangstérisme américain, avec différentes phases de l'histoire de la pègre. Diamond au départ verse dans le petit forfait, puis il devient garde du corps, et connait une ascension au milieu des années 20 avec la mise en place d'une véritable organisation criminelle.
Pour incarner ce personnage d'aspect fantasque par moments, mais dans la réalité un véritable gangster cruel, dont le portrait est ici atténué, Ray Danton est tout à fait formidable. Acteur peu connu du grand public, il n'a pas eu une grande carrière qu'il débute en 1955, puis il évolue vers la télévision et ira comme nombre d'acteurs américains de sa génération, faire un tour à Cinecitta pour tourner des polars et des films d'espionnage, avant de se recycler dans la production. Son seul grand titre de gloire est ce rôle de Jack "Legs" Diamond qui l'a vraiment fait connaître du public américain. Sa partenaire est l'aguichante Karen Steele qui avait déja été dirigée par Boetticher dans 3 des 7 westerns tournés avec Randolph Scott (le Vengeur agit au crépuscule, le Courrier de l'or et la Chevauchée de la vengeance). On y découvre pour la première fois la toute jeune Dyan Cannon dans un petit rôle de poule à gangster, on reconnait aussi Simon Oakland en flic du FBI, et Warren Oates dans le rôle du frère de Diamond. Voila donc une de ces petites perles au ton un peu noir, comme il ne faut pas en rater.