On entend régulièrement dire que le cinéma français et le film de genre ne font pas bon ménage. "La Chute de la maison Usher" est pourtant un bon contre-exemple de cet adage. Certes, le film a presque un siècle et ne saurait être représentatif du cinéma moderne... mais quand même !
Jean Epstein adapte simultanément deux nouvelles d'Edgar Allan Poe. La Chute de Maison Usher évidemment, mais aussi Le Portrait Ovale. On suit ainsi un ami appelé à la rescousse par M. Usher. Ce dernier étant un riche reclu dans un immense manoir, hypersensible et obsédé à l'idée de peindre sa femme alors qu'elle déperit.
Clairement, l'intrigue n'est pas le fort de Jean Epstein. Les événements présentés sur 1h de métrage pourraient se résumer assez vite. D'autant plus que le protagoniste ne sert pas à grand chose, si ce n'est à permettre au spectateur d'avoir un observateur de son côté.
Mais, à l'image des nouvelles d'Edgar Allan Poe, c'est l'ambiance que le réalisateur choisit de travailler. Et là c'est un régal. Des alternances de filtres bleus ou gris pour délimiter intérieurs et extérieurs. Sinistres l'un comme l'autre, entres les landes brumeuses, et la demeure Usher aussi épurée que grandiloquente.
Des effets de caméra très originaux pour l'époque, qui n'ont rien de gratuit. L'utilisation de ralentis pour évoquer l'hypersensibilité de M. Usher. Ou des travelings pour évoquer la folie qui le traverse. Tandis que les effets de montage offrent de belles saillies expérimentales, aux enchaînements parfois à la limite du surréalisme - pas étonnant quand on sait que Louis Bunuel avait travaillé sur le scénario avant de quitter le projet !
En résulte un film d'horreur singulier, autant par son pédigrée que sa forme, qui mérite toujours d'être découvert.