La Cible Hurlante c’est avant tout la phénoménale interprétation d’Oliver Reed. Acteur anglais au destin tragique, tristement décédé sur le tournage de Gladiator, il souffrait d’une addiction à l’alcool. Dans la peau d’une bête traquée que rien ne semble pouvoir arrêter, il offre une performance d’acteur incroyable. Il ne joue pas, il est lui, tout simplement.
Non seulement il brille dans son jeu à fleur de peau, mais également dans ses performances physiques, il faut le voir faire des tractions, accroché, de dos, à une poutre métallique, ou traverser une tyrolienne improvisée lors de son évasion de prison avec deux complices, dont un interprété par Ian McShane, le futur Swearengen de l’extraordinaire série télé Deadwood. On sent chez cet acteur, une véritable implication, mais aussi une vraie sensibilité. On se souvient forcément , de ses performances dans Les Diables de Ken Russell ou le western Les Charognards. Il crève l’écran systématiquement, faisant souvent même oublier les têtes d’affiche dans certains films où il interprète les seconds couteaux. C'est, ce que personnellement, je demande à un acteur.
En plus de la performance d’Oliver Reed, le film possède un charme immédiat, initié par la très élégante mise en scène de Douglas Hickox, un réalisateur anglais qui donnera des films comme le très bon Théâtre de Sang avec Vincent Price, puis dirigera John Wayne dans le polar Brannigan, ainsi qu’un sympathique Zulu Dawn (L’Ultime Attaque) avec Burt Lancaster. Hickox réussit à imposer un style, qui m’a immédiatement fait penser à un mix entre les polars de William Friedkin possédant une touche de poliziottesco à la Fernando Di Leo, mais très british, caractéristique des polars dépressifs et violents anglais à la Get Carter. Avec une grande sobriété mêlée à des effets de style discrets mais anoblissant la mise en scène d’un scénario, au final assez simpliste. L’obsession d’un homme aux abois pour se venger de celle qui l’a trahi, qui est en même temps la femme qu’il aime.
La trahison est le sujet central de cet excellent polar. On pense forcément au chef d’œuvre de John Boorman, Le Point de Non-retour, un film que je me permet de conseiller. Le personnage principale, dont la quête obsessionnelle, ne pourra que le mener à sa chute est présenté comme un animal blessé, il ne dit pas grand-chose, est obsédé par sa quête,et ne lésine pas sur les moyens pour y parvenir. Au final, malgré son côté bestial, la grande violence qui ressort de sa personnalité à fleur de peau, c’est vers lui que va immédiatement notre empathie.
Remarquablement mis en avant par un réalisateur qui signe là l’un des meilleurs polars anglais des années 70 – je le préfère personnellement à Get Carter – Oliver Reed offre une grande performance d’acteur. En fait, la mécanique mise en place par le réalisateur, possède tout ce que j'aime dans les grands polars. Malgré un schéma narratif simpliste, ça va à l'essentiel. Une perle à découvrir ou redécouvrir.