Dans les années 30,le grand Flamarion est une locomotive du music-hall américain avec son numéro de tireur d'élite.Il emploie pour le seconder sur scène un couple d'ex danseurs,Al et Connie Wallace,mais il songe à s'en débarrasser car Al est alcoolique et son ébriété récurrente lors des représentations met le show en péril,ainsi que sa vie vu que Flamarion tire à balles réelles.Connie voudrait aussi larguer son mari mais il sait sur elle des choses qui pourraient lui valoir des ennuis judiciaires.Elle imagine alors un plan dont la première phase consiste à séduire son patron.Il s'agit là d'un de ces nombreux films noirs de série B dont le cinéma américain était prodigue à l'époque.C'est produit par la Republic,une compagnie de second ordre,genre off Hollywood,et William Lee Wilder,le frère raté de Billy.L'oeuvre est cependant très agréable et se suit sans ennui,se singularisant sur plusieurs points du tout-venant cinématographique.Le milieu décrit tout d'abord,celui du music-hall alors florissant avec ces soirées qui mêlaient chanteurs,danseurs,acrobates,comiques,illusionnistes,dresseurs d'animaux ou,comme le personnage principal,tireurs à l'adresse diabolique.On se croirait dans la célèbre chanson de Trénet,"Moi,j'aime le music-hall".Il y a ensuite la présence en vedette du grand Erich von Stroheim,cet acteur étrange au charisme incontestable qui a souvent joué les ordures en vertu de son physique inquiétant,mais ici il est la victime,le Mal étant incarné par une charmante créature.Et puis il y a la réalisation au cordeau d'un Anthony Mann pas encore starisé.Il usinait en ce temps-là de la série B,c'était son septième film depuis ses débuts derrière la caméra en 42,et il n'était pas encore l'auteur de ces grands westerns qu'il donnera dans les années 50.Mais le talent est déjà bien là et sa mise en scène est un régal.Sur une image d'un noir et blanc très esthétique,il se faufile au milieu de la faune bigarrée des artistes plus ou moins ratés avec une formidable aisance,explorant les coulisses des théâtres des loges aux cintres.Il utilise de manière imparable la profondeur de champ comme les plongées ou contre-plongées,tirant le maximum de décors étroits et peu nombreux.Au-delà de ces aspects le scénario,adapté d'une nouvelle de la très oubliée Vicki Baum, est classique et sans grand relief,agitant les figures habituelles du genre.La femme fatale,le mari gênant et le pigeon piégé au milieu dansent un ballet bien réglé.Stroheim fait une composition magistrale en artiste misanthrope et antipathique qui au début rejette violemment les avances de la tentatrice,avant de progressivement y céder pour finir dans la déchéance de l'esclave amoureux abusé jusqu'au trognon.La voluptueuse Mary Beth Hughes est quand à elle une garce d'anthologie.Arnaqueuse,nymphomane,manipulatrice,elle use sans vergogne de son immense pouvoir de séduction afin d'obtenir tout ce qu'elle veut des hommes.Son époux alcoolo est incarné par un excellent Dan Duryea,pitoyable à souhait en pauvre type addict à la bouteille et à sa toxique conjointe.

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le 13 sept. 2022

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