En dépit de ses qualités bien réelles (à commencer par une très belle photo), de sa dimension innovante et de sa réputation flatteuse, "The Naked City" ne m'aura qu'à moitié convaincu.


Innovant, le long-métrage de Jules Dassin l'est incontestablement, puisque ce film noir symbolise l'évolution vers davantage de tournages en extérieur au détriment des scènes en studio. En 1948, les réalisateurs hollywoodiens sont influencés par les images documentaires rapportées de la guerre encore toute récente, et les producteurs sont tentés de leur faire confiance.


Ainsi, Mark Hellinger donne le feu vert à Dassin pour réaliser le premier film entièrement tourné en décors naturels au cœur même des rues de New York, la ville devenant le personnage principal du récit, pour reprendre une expression "tarte à la crème".


L'enquête policière sera réaliste, lente et fastidieuse, permettant aux protagonistes de s'aventurer dans chaque recoin de Big Apple : les métros bondés, les hommes au travail, les enfants qui s'arrosent...
À la sortie de "The Naked City", le monde entier découvre alors pour la première fois la ville qui ne dort jamais, ses ponts et ses gratte-ciels, à l'instar de la magnifique séquence aérienne d'ouverture, accompagnée de la voix-off du producteur lui-même.


Hélas, le récit policier qui accompagne cette plongée réaliste dans New York s'avère trop linéaire et manque d'enjeux susceptibles de captiver le spectateur contemporain. D'autant que l'absence de stars confirmées au générique rend peu évidente l'empathie du public pour les protagonistes de cette histoire d'escroquerie doublée d'un meurtre, les personnages en question étant quelque peu dépourvus de charisme.


On se fiche en effet assez vite du sort d'un menteur congénital, d'un jeune flic débutant sans envergure ou encore d'une victime dont on ne sait rien, et que même sa mère ne semble pas regretter...
Seul Barry Fitzgerald tire son épingle du jeu en vieux flic bourru et malicieux (évoquant par instant Edward G Robinson).


Néanmoins, je me dois de souligner que "The Naked City" reste une œuvre parfaitement recommandable, qui préfigure l'évolution du film noir vers davantage de réalisme au détriment d'un univers glamour, et annonce le futur chef d'œuvre de Jules Dassin : "Night and the City" ("Les forbans de la nuit").


Précisons encore que ce dernier s'était senti trahi au moment de la sortie du film, Mark Hellinger ayant manqué à sa parole de ne pas intervenir sur le montage, ce qui pourrait expliquer certaines scories de "La cité sans voiles", dont Dassin aurait souhaité mieux coordonner le fond et la forme.

Val_Cancun
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le 30 mars 2016

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Val_Cancun

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