Les étudiants n’ont pas besoin de travailler pour vivre, et les ouvriers n’ont pas besoin de vivre pour travailler. On peut recevoir davantage d’amour de l’enfant d’un autre que du sien, de la femme d’un autre que de la sienne, ne penser qu’au désir sans arriver à en éprouver, et jouer toute sa vie à un jeu dont on connaît à peine les règles.
On peut se donner entièrement à son travail alors qu’on le déteste, justement parce qu’on le déteste, pour l’oublier par le fait même d’en dépasser les limites. On peut vendre sa dignité pour des bibelots, et la retrouver en les cassant, non sans tordre le cou au Picsou en plastique qui passe, puisque le vrai on ne l’attrapera jamais.
La Classe ouvrière va au paradis est plein de nuances sous des dehors de brutalité, comme le jeu de Gian Maria Volonté, parfait en bête de somme, bête traquée d’ailleurs, qui ne peut trouver de réconfort qu’auprès du sublime Salvo Randone, ne trouvant pour sa part le sien que dans la folie.
On en veut aux syndicats étudiants d’être trop extrémistes car ils n’ont rien à perdre, mais on les comprend, on en veut aux syndicats ouvriers d’être trop modérés car ils ont trop à perdre, mais on les comprend, on en veut à la coiffeuse d’avoir des rêves médiocres, mais on la comprend.
On en veut à notre héros de gâcher son seul moment de plaisir possible, en même temps qu’il gâche celui de celle qui l’accompagne dans une voiture aussi fatiguée que lui, mais on le comprend.
Elio Petri est ici à la fois hyper-réaliste et totalement poétique, et a certainement rejoint la classe ouvrière des années 70, sans doute au paradis puisqu’elle a vécu au purgatoire.