Je prends beaucoup moins souvent la peine de rédiger une critique ces temps-ci, du moins je ne prends plus de notes pour chaque œuvre que je consomme comme c’était le cas auparavant. Mais quand je tombe sur un film aussi bête, et doté pourtant d’une réputation pas si mauvaise… c’est plus fort que moi, j’ai besoin de m’exprimer à son sujet.
(je préviens, il y a du spoiler)
Ce remake de La colline a des yeux est un film d’horreur que j’ai cherché à éviter jusque là, car étant adepte de cinéma d’horreur, je me méfie grandement des apports récents au genre… surtout quand ils sont bien reçus par un grand public qui n’y connaît pas grand chose (paranormal activity, Annabelle, Insidious, …). Mais un autre amateur m’a assuré que ce film là marquait une exception…
Pourtant pas fan d’Aja, je me suis laissé tenter, espérant assouvir ma soif de sang.
Le scénario est on ne peut plus simple et classique : une famille partie en vacances se retrouve perdue en plein désert, en proie à un groupe de monstres cannibales. On se situe quelque part entre le film original de Wes Craven, 2001 maniacs (le détour qui sert à piéger les touristes), et Massacre à la tronçonneuse dont on a largement repris l’imagerie.
Pendant près d’une heure, il ne se passe pas grand chose, on suit la famille dans ses chamailleries, et les scènes de complicité se font plus rares, de sorte qu’on ne s’attache pas vraiment aux personnages avant que leur voyage ne se transforme en cauchemar.
Histoire de nous rappeler qu’on est tout de même dans un film d’horreur, il y a une première scène gore au début pour nous faire patienter, mais par la suite il faudra pendant longtemps se contenter de trop nombreux jump-scares gratuits ("oh pardon, je me suis faufilé derrière toi sans un bruit alors que tu avais un flingue à la main, mais je voulais pas te faire peur") et de quelques apparitions furtives des monstres, se cachant de leurs futures victimes. Ce n’est pas bien subtil, et ça ne parvient pas même à créer un brin de tension. Probablement en partie parce que, sans même encore voir le visage des mutants, leur voix suffit déjà à les décrédibiliser.
Lorsqu’ils nous sont réellement dévoilés, c’est pire : je trouve le look des monstres plutôt ridicule, mais surtout ils en font des caisses dans leur jeu. Aja a tellement voulu insister sur le caractère répugnant des ennemis que rien de ce qu’ils font n’est plus naturel : s’ils mangent, il faut qu’ils ouvrent bien grand la bouche en foutant du sang partout, s’ils doivent exprimer de l’envie, ils remuent la langue en bougeant la mâchoire…
Ca rend la première scène d’attaque d’un mauvais goût très gênant.
Mais ce qui m’a particulièrement déplu, c’est dans un premier temps la bêtise aussi bien des gentils que des méchants, dont les décisions m’ont fait râler toutes les 5mn.
Il faudrait voter pour la réaction la plus conne du film (allez, je vous invite à participer dans les commentaires), mais je pense que c’est quand l’ado voit un œil l’observer lorsqu’il est aux WC… et qu’il en déduit de suite que c’est sa sœur. Alors qu’elle est ailleurs quand il ressort. Et il ne se doute de rien.
Mais autrement, voici quelques unes des nombreuses interrogations qu’a soulevé ce film en moi : Pourquoi ce type se met à gueuler que quand il brûle, alors qu’il était jusque là attaché sans entraves à la bouche ? Pourquoi les deux ados ne surveillent pas les alentours sur le toit de la caravane au lieu d’être au niveau du sol, permettant ainsi à des mutants de se faufiler sans être vus ? Pourquoi faire sauter la caravane pour tuer un seul ennemi, au lieu de l’abattre à la pioche quand il avait les mains liés ? (c’est d’autant plus con que les héros s’en réjouissent comme d’une grande victoire alors qu’ils ont tout perdu)
Pourquoi les mutants laissent un humain vivant dans le frigo, sans surveillance… alors qu’ils ont tué tous les autres ? Pourquoi foncer plusieurs fois sur une victime au lieu de l’abattre directement… comme pour toutes les autres victimes jusque là ?
L’un des héros aurait dû crever plusieurs fois par sa propre bêtise, mais non, il faut bien quelqu’un pour survivre… même s’il passe à travers murs et fenêtres, se fait écraser la gueule par terre, etc… Il continue à se relever. C’est une surenchère qui s’avère contre-productive : dans un film d’action qui privilégie le fun, ça aurait sa place, mais dans un film d’horreur qui se veut premier degré, non, car ça décrédibilise les scènes en question et nous fait sortir du film.
Ensuite, ce qui m’a tout autant dérangé, et que je n’ai vu souligné dans pratiquement aucune autre critique, c’est le problème du fond. Le cinéma d’horreur est beaucoup moins politique aujourd’hui qu’à l’époque de Romero, Carpenter et Craven, et ça ne me dérange pas d’avoir un film d’horreur dont le seul but est de divertir… mais le souci de cette version de La colline a des yeux, ce n’est pas d’être dépourvu d’un propos : c’est que celui-ci est complètement déplacé.
Ce remake est d’un manichéisme perturbant : les habitants du désert, y compris le seul humain non contaminé, sont tous répugnants, à l’exception d’une jeune mutante qui est non seulement la moins laide du lot mais aussi la seule gentille. Ca manque d’inventivité, car j’estime que ça aurait été intéressant d’avoir un personnage tout aussi moche que ses comparses mais bienveillant, surtout que ça aurait été à l’encontre du message que véhicule (sciemment ou non) le film en l’état : la condition dicte le comportement. Autrement dit, si t’es moche, t’es forcément méchant.
Heureusement pour les gentils humains, ils n’ont plus à se soucier de la fillette, qui meurt à la fin comme les autres, puisqu’elle se sacrifie sans même réfléchir en se retournant contre l’un des siens.
Pire encore, cette opposition simpliste aide à véhiculer un message obscène sur la légitimation de la violence : le héros, au départ démocrate opposé à l’usage des armes à feu, est poussé à devoir tuer.
Je n’ai rien contre la violence au cinéma, tant qu’elle est décomplexée ou, dans les cas où elle est traitée au premier degré, tant qu’on pose sur elle un regard avec un minimum de réflexion.
Or ici, on dirait qu’Aja et son co-scénariste n’ont même pas vu l’ironie dans le fait que l’humain finisse par exterminer tous les monstres, faisant preuve de la même barbarie qu’eux. Il y a d’abord cette scène douteuse où il plante un drapeau américain dans le crâne d’un des mutants, mais surtout ce final accompagné d’une musique victorieuse, faisant du survivant un véritable héros dans tous les sens du terme. Il aurait été de meilleur goût de mettre une musique qui marque, certes, la conclusion d’un calvaire, mais qui soit tout aussi tendue et sordide que lors des meurtres commis par les adversaires.
Le seul message à tendance vaguement politique tenu dans ce film, c’est lorsqu’un des monstres assimile toutes personnes extérieures à ceux qui ont lâché des bombes atomiques sur les mineurs qui n’ont pas voulu quitter leur patelin dans le désert. C’est juste idiot.
Soit Aja a un positionnement plus que douteux, soit il n’a pas assez réfléchi au sens qu’on peut donner à son film et au traitement de la violence. Dans les deux cas, je trouve ça désolant.
De toute façon, je n’ai aimé aucune des autres réalisations du Français que j’ai vu jusque là : Haute tension, Piranha 3D, et Mirrors, et pour des raisons un peu semblables : trop cons, trop lourds. Il fait preuve d’une bêtise qu’il n’est pas si éloignée de celle d’un Eli Roth, et est à peu près autant surestimé.
(c’est à se demander comment Aja a eu par la suite assez de bon sens pour donner vie à un film aussi magnifique que le remake de Maniac)