Le film de prison, grand classique très codifié du cinéma américain, trouve ici une variation plus sombre et désabusée à l’aide d’une touche d’impertinence à l’anglaise et la patte d’un immense metteur en scène.
Sean Connery et sa bande débarquent dans ce camp de prisonniers de l’armée britannique, la plupart d’entre eux condamnés pour désertion ou désobéissance, apprend-on.
Pas d’introduction : les premières minutes annoncent de suite la couleur en compagnie d’impitoyables gardiens, comme si nous, spectateurs, entrions nous aussi en tant que détenu dans cet univers claustro et mal accueillant. Pas d’ambiguïté sur la méchanceté des bourreaux, surtout à propos de l’un d’entre eux. Sans verser pour autant dans le manichéisme type La Ligne verte, l’antagoniste en figure d’autorité tortionnaire se dépeint dans une face sombre et réaliste de l’être humain en quête de pouvoir, dont l’envie de domination qui le gangrène se confronte à une lucidité coupable qu’il cherche à se voiler à lui-même, le menant ainsi à la folie, entrainant tout son univers dans les abysses avec lui.
Tu rêverais d'être éboueur si tu avais un uniforme et une petite équipe à commander.
Grand film sur le penchant de l’Homme vers la recherche de domination, La Colline des hommes perdus réveille aussi en nous nos instincts animaux de survie en groupe. Bon nombre de caractéristiques dans lesquelles nous nous retrouvons dessinent les traits de ce groupe de prisonniers rebelles, menés par l’excellent Sean Connery, leader charismatique à l’accent accent magnétique. La folie douce qui les gagne petit à petit nous fait sourire autant qu’elle nous fascine, souffle coupé devant des scènes fortes que l’on ne compte plus. C’est là qu’il nous attrape : pris dans cet engrenage d’injustice et de manifestation du Mal pur et dur, nous sommes de tout cœur derrière ces prisonniers, nous associons à leur camaraderie naissante, et rions avec eux, du sable plein les yeux. On se soulage de leur impertinence, de leur insoumission presque insolente, on rêve de ce grand retournement de situation envers une supériorité illégitime et naturellement contestée de fait.
L'utilisation du grand angle permet de ne jamais perdre de vue le décor dominateur, systématiquement concrétisé, toujours net en arrière-fond, manière pour les personnages de ne jamais perdre de vue l'idée de leur enfermement. Une absence d’espoir soutenue par le noir et blanc. Avec en point d’orgue évidemment cette colline monumentale que la caméra sait rendre la plus terrifiante possible. Elle constitue le personnage clé des meilleures scènes du film. Increvable et majestueuse, la colline aspire peu à peu l’âme de ceux qui la gravissent, jusque même causer la mort de ses victimes en perte de souffle.
Un film fou qui pique à jamais celui qui s’y frotte, brassant un nombre extraordinaire de thématiques humaines qui à elles seules pourraient générer des films dans le film, La Colline des hommes perdus est à voir et revoir sans modération, mêlant parfaitement expérience sombre et divertissement pur du fait du genre auquel il appartient. Ce que le cinéma anglo-saxon peut offrir de meilleur.