C'est le titre original du film qui est adapté d'une pièce de théâtre éponyme. J'avoue que je préfère ce titre sobre qui cache une sombre réalité au titre français faussement explicite. Un peu comme l'armée britannique (puisque c'est de celle-là qu'il s'agit ici) qui ne doit pas mettre spécialement en avant ce genre de camp de vacances pour soldats non méritants. Un peu, aussi, comme d'autres films comme "le pont" (Bernard Wicki). Rétrospectivement, le titre du film n'en claque que plus dur.
Il semble que l'histoire repose sur des faits réels à savoir l'existence de camps disciplinaires analogues en Afrique du Nord pendant la deuxième guerre mondiale puisque l'auteur lui-même a eu l'occasion de vivre une expérience de ce genre. En fait, au-delà de l'anecdote, ce qui importe dans ce film, c'est la mise en œuvre des mécanismes de fonctionnement d'une armée lorsqu'elle a à faire face à des soldats qui ont enfreint certaines règles (désertion, vol, refus d'obéissance, lâcheté, etc …). Et, comment, en période de guerre, ces mécanismes peuvent être, en toute logique, dévoyés pour arriver à un système parfaitement inique. Ici, au fin fond du désert libyen, les officiers (commandant ou médecin) d'un camp militaire, faibles ou peu motivés, s'en remettent à un sergent-major (adjudant-chef dans l'armée française), Wilson (Harry Andrews ), pour mettre au pas ces soldats, les redresser et en faire de la bonne chair à canon prête pour le casse-pipe. En l'absence de réel contre-pouvoir de la hiérarchie, son système de fonctionnement repose alors sur le pouvoir octroyé par le galon et la peur des subordonnés (sergents chefs). C'est le paradis des petits chefs qui peuvent, en toute impunité, exercer leurs penchants sadiques. L'intéressant, c'est que de l'extérieur, tout donne l'impression de bien rouler. Et la caméra de Lumet est extrêmement efficace pour filmer, d'une certaine hauteur, tous ces mouvements parfaitement ordonnés de gens bien obéissants qui défilent en cadence. La discipline par le sport ou l'effort. La rédemption par le sport et l'effort. Qu'y-a-t-il de mieux pour remettre au pas tous ces soldats qui ont failli ?
Puis, peu à peu, la caméra de Lumet s'approche jusqu'à faire des gros plans et détaille ce qui se cache derrière tous "ces mouvements parfaitement ordonnés". Par exemple, l'injustice de tel sergent-chef, Williams (Ian Hendry), ancien maton, qui prend plaisir à humilier les prisonniers, à les dresser les uns contre les autres, à les épuiser en les obligeant à gravir cette fameuse colline.
Le système fonctionne parfaitement grâce à ce rapport d'asservissement total et de peur de la punition des prisonniers face au front commun des sergents et de l'adjudant-chef. En bon manager, l'adjudant-chef (Harry Andrews) sait souffler le chaud et le froid pour s'assurer la bonne coopération de la hiérarchie (en les mouillant) mais aussi de la masse des prisonniers.
Preuve en est de la scène de la mutinerie où l'adjudant-chef parvient à retourner la situation à son avantage. On remarque d'ailleurs qu'à nouveau dans cette scène, la caméra de Lumet reprend de la hauteur. Avant de replonger sur les détails des visages.
Parmi les prisonniers, plusieurs personnages se détachent comme Sean Connery, qui a abandonné pour la circonstance ses habits de James Bond. Lui est là pour un refus d'obéissance sur une opération qu'il considérait comme suicidaire. C'est un personnage humaniste sachant que ce type de qualité a bien du mal à être valorisé dans l'armée, surtout en temps de guerre, où la valeur humaine a une cote assez relative, plutôt faible …
Le personnage de Jacko King, interprété par un remarquable Ossie Davis, soulève un autre problème, celui du racisme. Un des plus beaux personnages du film puisque, comme Sean Connery, il fait preuve de solidarité et d'humanisme.
Un film puissant qui va rejoindre ces grands films d'analyse de certains comportements de l'Armée que ce soit "les sentiers de la gloire", "Full Metal Jacket" ou encore "A l'ouest, rien de nouveau" (Milestone)