The Hill a de fascinant qu'il est le reflet des sentiments les plus primaires de l'Etre Humain. Ces prisonniers de guerre, enfermés dans un camp disciplinaire libyen pour des raisons diverses (insubordination et agression sur un supérieur dans le cas du personnage principal, Joe Roberts (interprété brillamment par un Sean Connery stupéfiant de charisme et de présence à l'écran), soumis chaque jour à des exercices exténuants et vides de sens sous la houlette de l'impitoyable Sergent Williams, condamnés à bâtir et à gravir inlassablement cette étrange colline de sable érigée au milieu du campement, sans aucune explication... Ce film est en fait le réceptacle de la longue descente aux enfers de ces Hommes, réduits à l'état d'esclaves par une hiérarchie jusqu'au-boutiste et tyrannique.


Et c'est avec une maestria absolue que Sidney Lumet relate la détresse de ces 'hommes perdus', qu'il met en scène dans un simulacre de huis-clos étouffant dans lequel on a sans cesse l'impression d'être prisonnier nous aussi de cet immonde camp libyen où l'abus de pouvoir règne, où la morale et la dignité de l'être Humain sont bafoués sans aucun état d'âme...
Dès la séquence d'introduction, (exceptionnelle au demeurant), Lumet situe avec précision son histoire, immerge son spectateur directement au cœur de la situation... et ça marche, on ressent immédiatement la chaleur étouffante du désert libyen, on souffre avec ces soldats qu'on imagine au départ en banal entraînement, ignorant leur véritable condition de prisonniers, de détenus, de martyrs même, car c'est véritablement d'une prison dont il s'agit, et une prison modèle Alcatraz, autant dire que ça rigole 0.
Au fur et à mesure du métrage, Sidney tisse sa toile avec les outils qu'on lui connait, et notamment cette façon si particulière de filmer les visages, de capter toute la complexité, la souffrance de ses personnages, mais aussi ses travellings, fabuleusement fluides et millimétrés (les prises de vues de Lumet sont reconnaissables entre mille de toute façon, certains trouveront ça lourdement didactique, je trouve ça finement démonstratif personnellement), et il referme doucement son piège, à la fois sur ses personnages et sur le spectateur (on remarque beaucoup moins de scènes en extérieur au fil du long-métrage, beaucoup plus de scènes de cellule, de scènes d'intérieur, ce qui fait écho au travail fabuleux de mise en scène sur 12 hommes en colère, avec ce déplacement caractéristique de la caméra "en entonnoir" au fur et à mesure que le film avance pour finir par enlacer les protagonistes au plus près, et capter la pleine mesure de leur humanité). Ici, même combat, Lumet par ce procédé de mise en scène réussit à rendre plus étouffant encore (je pensais même pas que ça pouvait être possible à ce moment là du film) cette prison militaire libyenne, dans laquelle se dénoue alors le destin tragique de ces 5 soldats qui se battent pour la reconnaissance de leurs droits, pour le respect de leur humanité.


A la question "Pourquoi The Hill, et pas 12 hommes en colère", que répondre ? Je ne sais pas. Je le trouve peut-être moins sage celui-ci, moins lisse, avec plus d’aspérités, moins consensuel quoi... Et pas pour autant dénué de défauts, il faut le souligner.


D'abord, le film aurait surement pu être amputé de 15 bonnes minutes, histoire de gagner en rythme et en intensité, le propos a parfois tendance à être dilué dans des séquences un poil trop longues, un poil trop appuyées, un poil trop tout en fait...
Ensuite, comme je l'ai dit plus haut, c'est un film doté d'un langage cinématographique qui ne parlera (plaira) certainement pas à tout le monde. Gros plans de coupe sur des visages tendus par l'effort pendant les exercices, tendance générale à la sur-démonstration, tout dans ce film tend vers le didactisme, vers l'envie de montrer les choses (et de bien les montrer fort heureusement), personnellement c'est un aspect qui m'a beaucoup plu, cette façon d'exagérer les cadrages et les prises de vues pour dramatiser une scène, cette façon de filmer les personnages comme si ce qu'ils avaient à dire comptait vraiment, mais nul doute que certains détesteront.
Enfin, et si pour ma part j'ai trouvé le casting exceptionnel de A à Z (C comme Connery compris donc), Sean pourra peut-être agacer, de par sa manière d'en faire des caisses parfois pour pas grand chose, mais on lui pardonne, le gars est quand même d'une classe folle.


Et peut-on parler 5 minutes S'IL VOUS PLAIT de la sublimissime affiche du film ? La première fois que je suis tombé dessus, je suis resté littéralement bloqué devant 30 secondes, happé par le regard dur et pénétrant de Connery, par la beauté sauvage hallucinante se dégageant de cette image, avec ses couleurs flamboyantes, et ce coup de crayon magnifiquement esquissé... jugez par vous-même, j'ai personnellement un coup de cœur absolu pour cette affiche, et d'autant plus en ayant vu le film, elle me renvoie directement au cœur de cette Libye suffocante et impitoyable, aux côtés de Roberts, King, Stevens, Bartlett et McGrath.
(Elle m'évoque un peu Apocalypse Now aussi cette affiche, la folie, l'intensité, c'est le orange ça je pense !)


Il est amusant pour finir de remarquer (une remarque totalement futile et sans aucun doute déjà usée jusqu'à la corde mais tant pis, ça m'amuse) que par deux reprises notamment le cinéma de Lumet et celui de Kubrick se sont fait écho, avec dans un premier temps un parallèle à faire entre Les Sentiers de la Gloire et La Colline des hommes perdus, qui dénoncent tous les deux (avec brio) les abus de la hiérarchie militaire, et dans un second temps, Dr. Folamour d'un côté, et Point Limite de l'autre, (sortis la même année d'ailleurs), traitant - avec une approche différente - de la Guerre Froide.



Sinbad
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le 15 oct. 2015

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Sinbad

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