Ce western de Delmer Daves, qui sera son dernier au même titre que celui de son interprète principal Gary Cooper (il mourra quelques années plus tard), dégage un charme léger qui lui permet d'accéder au statut de sur-western (au sens où l'entendait André Bazin, c'est-à-dire un western qui a conscience des limites du genre et qui essaie de produire quelque chose au-delà des codes stricto sensu) pas tout à fait désagréable malgré, précisément, les limites du genre.
On cite souvent les ambiguïtés qui découleraient du personnage de Cooper... vaste blague tant il correspond à un archétype westernien du faux gentil pas gentil, à savoir un bon gars qui baigne dans son passé trouble et qui parfois laisse échapper quelques écarts. Mais à aucun moment on ne doute vraiment de quoi que ce soit en termes de moralité, c'est de la fausse violence, de la fausse impulsivité, etc. On voit trop les coutures de ces écarts de conduite, on voit trop le scénario essayer de nous expliquer que sous les habits d'homme dur se cache un cœur grand comme ça. C'est plutôt partout ailleurs que l'intérêt se manifeste, à commencer par les personnages qui souffrent de ses manipulations, Ben Piazza son serviteur contraint et Maria Schell la Suissesse blessée et temporairement aveugle. Il y a aussi Karl Malden qui vaut un peu le détour, ce personnage présenté comme gentil sauveur initialement qui se transformera en pervers cupide par la suite (un potentiel pas tout à fait exploité) ou encore George C. Scott pour son premier rôle en fou de dieu alcoolique.
Sur le plan du discours sur le lynchage, le film étale une morale simpliste pas très intéressante, loin derrière un film comme "The Ox-Bow Incident" pourtant sorti 16 ans avant (souvenirs à confirmer), qui ne semble pas avoir bénéficié d'une écriture digne de ce nom — tout s'envenime soudainement à la fin et le docteur reprend confiance en l'amour et la nature humaine, blablabla. J'aurais bien aimé voir davantage de détails sur la ville champignon en contrebas de la colline, sur l'orpaillage et sur la fièvre de l'or. Accessoirement, j’ai appris une nouvelle définition moins déviante du "glory hole", ici un gros filon d’or sous un arbre.