Pas de lyriques cavalcades ou de grandes fusillades dans ce western assez atypique de Delmer Daves. En effet, ce dernier préfère une approche davantage psychologique du drame qui se noue ici, à travers la description des passions et des haines qui animent les hommes du village, voulant rétablir l'ordre à tout prix, au risque de créer un plus grand désordre que celui qu'ils combattent. Si Elisabeth Mahler suscite plutôt les passions, c’est autour de Frail que se cristallisent les haines, autour de cet homme durement marqué par la vie qui a appris à se défier de la nature humaine, au point de ne plus accorder sa confiance à personne. Car le western est d’abord pour Daves l’occasion d’une belle réflexion sur la nature humaine. Et cette réflexion est servie en premier lieu par des personnages très finement brossés, ce qui permet à leurs interprètes de leur conférer une réelle épaisseur. On trouve aussi chez ces personnages une certaine ambiguïté, que Gary Cooper fait parfaitement ressentir, à travers Frail, qui se refuse à croire en l’amour qu’il se découvre pour sa protégée. Le film n’est pas exempt de certains défauts, longueurs ou facilités scénaristiques, mais le génie de Delmer Daves est d’avoir su restituer toute cette ambiguïté dans ce cadre grandiose où se joue un drame intime, un drame dans lequel toutes les facettes de l’homme sont explorées avec finesse.