Gary Cooper, l'homme qui vaut un million de dollars.

J'ai lu ça et là de belles critiques (très documentées) , de véritables déclarations (enflammées et justifiées) et quelques rejets très tempérés (de spectateurs plus jeunes qui ont, de leur propre aveu, du mal avec le "vieux" cinéma). Mais pour moi, ce film n'est pas à passer à la moulinette de l'étude technique. Ce film est avant tout marqué par le regard bleu de Gary Cooper, qui ne voulant être aimé de personne (est-ce seulement crédible qu'il atteigne ce but ?), finit par incarner d'une certaine façon le père idéal, l'antagoniste qu'on craint, le rival qu'on hait ou l'objet fantasmé qui viendrait combler un "manque" à la manière des théories de Lacan.


Et paradoxalement, le personnage de Gary a très peu à voir avec le moteur dramatique du film. Il n'est responsable de presque aucune des actions principales de l'histoire. Ce n'est pas lui qui attaque la diligence, ce n'est pas lui qui retrouve la fille en détresse, ce n'est pas lui qui déterre l'or. Il est juste là en arrière plan et comme tous les bons vrais héros il rend les miracles possibles (sauvetage du jeune voleur d'or, guérison d'Elisabeth, nourrir l'enfant affamée, financement anonyme de la mine). On sait très peu de son personnage de médecin (et tant mieux) qui passe du chaud au froid dans une succession de douches écossaises. Tendre comme un père avec une petite fille souffrant de mal-nutrition, il devient abrupt et tyrannique avec le reste du monde la seconde suivante (il réduit à l'esclavage le jeune voleur qu'il vient de sauver, il soigne parfois sans rétribution et passe ses soirées à jouer au poker, il soigne la femme perdue et l'attache à sa seule présence pour refuser ensuite toute proximité humaine,etc)


Ecrit sur les partitions classiques des personnages intemporels, Delmer utilise avec intelligence ces dernières images de Gary Cooper qui fait là l'un de ces derniers films. Le charisme de l'acteur n'est pas étranger au fait que toutes les ellipses (les coupes au montage se sentent sans peine) et les raccourcis du scénario soient contrebalancés par la présence de cet acteur qui jette l'ombre de ses trente années de carrière partout sur son passage.


Pardon à Karl Malden (impeccable) à Ben Piazza (qui fait là timidement son 2ème rôle au cinéma pour un personnage assez mal utilisé dans la 2nde moitié du film) à Maria Shell (qui est belle et talentueuse ce qu'il faut pour ne pas se faire dévorer par la présence de son partenaire). Mais ce qui reste après avoir suivi ce film honnête et très bien capté par un Delmer inspiré par la nature et ses acteurs, c'est un peu de Gary Cooper sous les paupières.


Rare sont les comédiens qui, comme lui, auront autant contribuer à faire du cinéma un divertissement aussi noblement populaire. C'est aussi pour ça que 50 ans après sa mort (2 ans après la sortie de cet avant-dernier Western) c'est l'un des rares comédiens à être crédible dans la peau d'un personnage si imparfaitement humain qu'il vaut bien le million de dollars qu'Elizabeth (Maria Shell) abandonne pour l'arracher de l'arbre aux pendus. C'est un peu ce que nous faisons aussi chaque fois que nous revoyons ou partageons l'un de ses films : nous l'empêchons de mourir... ou presque !

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le 13 juin 2016

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