J'ai connu Fukada avec Love Life cette année, que j'ai adoré. Il n'y avait donc pas de raison de ne pas tenter le premier film de Fukada au cinéma, jusque là inédit en France. Et il faut le dire, ça a probablement un peu vieilli, je n'ai pas retrouvé la maîtrise formel de la réalisation d'un Love Life. Il m'a d'ailleurs plus fait penser à du Hong Sang-soo, notamment durant sa première partie, dans la démonstration de la simplicité des interactions sociales. J'avoue ne pas être fan du réalisateur coréen du peu que j'en ai vu, car il peut facilement tombé dans le superficiel.

Car oui le film est séparé en 3 histoires, plus ou moins entremêlés. La première est probablement la moins originale, avec ses histoires d'amours et de désamours, où on y montre un certain fatalisme de l'adultère, avec une étonnante froideur.

La deuxième m'a cependant bien plus percutée, avec ce personnage de photographe qui expose dans une galerie d'art, où personne ne viendra autrement que pour la bouffe, et se fera en plus humiliée par une collègue, car aucune connaissance photographique, que ce soit sur la technique ou sur la culture (jugement quelque peu élitiste donc). Le film jouera pas mal sur la gênance des discussions et de la situation, avec des plans séquences fixes sans coupure. La photographe partira ensuite à une soirée, où tout le monde dit avoir oublié son expo, mais diront aller la voir, même si l'hypocrisie semble être présente.

La troisième partie, parlera d'un mec amputé d'un bras, avec un aspect limite fantastique, notamment dans la manière dont est abordé le syndrome du membre fantôme, mais aussi didactique, sur le côté médical (par exemple sur l'origine des fétichisations de jambes, qui seraient liées aux parties du cerveau concernant le toucher). Le film a également des relents de surréalisme, notamment quand il sort son bras mort de sa boite, et qu'il le pose sur le tableau de bord. Mais aussi quand il parle au futur bébé de sa femme enceinte du réchauffement climatique et de la solitude des athées, sans quasiment aucun contexte par rapport au reste de ses discussions. Ou encore le visionnage de la vidéo du mariage avec des zooms et des rembobinages en boucle, avec un espèce de bruit sourd oppressant, qui augmente de volume petit à petit, jusqu'à un stade où j'ai cru que les enceintes allaient exploser.

Bref, un film probablement perfectible, mais qui possède une véritable identité, avec quelques fulgurances de situations et de styles remarquées. Malheureusement il est peut-être un peu trop irrégulier, et fait presque amateur sur certains plans ou certaines transitions. Mais il est suffisamment beau dans la démonstration de la souffrance silencieuse des gens, qui n'est pas perçu ou compris par autrui, qu'elle soit d'origine amoureuse, égocentrique, ou métaphoriquement montré par un membre manquant.

(Vu le 21 octobre 2023 en VOSTFR au cinéma)

On en parle dans le Ciné-florg #58 avec LeJulien_

Tiflorg
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le 1 nov. 2023

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