Adapté d'une partie de l'oeuvre d'Egar Poe, La Conscience Vengeresse dresse le portrait d'un homme tourmenté en proie à des visions cauchemardesques. Un sujet plutôt difficile à traiter, d'autant plus à une époque où les moyens techniques étaient encore assez primitifs, mais surtout où la plupart des codes de cinéma que l'on a assimilé aujourd'hui étaient encore à établir. Et qui de mieux placé que Griffith pour se prêter à l'exercice ?


Ce qui est fabuleux dans ce film, c'est la manière dont le cheminement d'une idée chez un individu nous est dépeinte. D'abord en étant inconsciemment suggérée, puis s'imposant comme une évidence après un déclic, avant d'être refoulée puis finalement exécutée. Le montage diablement efficace permet de retranscrire chaque émotion et l'absence de son n'entrave en rien la qualité du résultat.


Tout le génie de Griffith transparaît quand, plus tard, le héros rattrapé par ses remords est en proie à des cauchemars. Les premières hallucinations sont tout simplement effrayantes, l'angoisse du protagoniste se propage jusqu'au spectateur, et la descente psychologique aux enfers qui s'ensuit n'en est que plus prenante. La séquence de l'interrogatoire est bluffante, tant l'ambiance est bien retranscrite à l'écran. Le film parvient à nous transmettre une sensation d'étouffement en nous projetant directement dans la conscience du héros, en usant de codes bien définis qui, à l'époque, avaient de bonnes chance d'être assez novateurs. Griffith parvient même à dépeindre un environnement clos et trop bruyant, ce qui peut être considéré comme un tour de force à l'époque du muet.


Cependant, j'ai quelques réserves quand au dénouement du film, qui m'a paru comme une petite tâche de lumière qui viendrait saboter un tableau très sombre. C'est bien dommage car cette fin vient quelque peu estomper l'effet claque du film, plus ou moins de la même manière que dans Le Dernier des Hommes de Murnau (mais ceci est une autre histoire). On peut ajouter que j'ai trouvé quelques longueurs au début qui n'étaient pas vraiment nécessaires pour la suite.


Mais cela ne gâche en rien le plaisir, et ce fut une joie de découvrir un Griffith qui, bien loin des blockbusters ambitieux qui le feront entrer définitivement dans l'histoire du cinéma, fourmille déjà d'idées de montage et de réalisation des plus efficaces.

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le 5 avr. 2016

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KoalaLeNicolas

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