"La corde", adapté de la pièce éponyme de Patrick Hamilton, est le premier film américain à mettre en scène un couple homosexuel: ceci est suggéré par le fait que les deux étudiants vivent sous le même toit où ne se trouve qu'une chambre à coucher et par certains dialogues: "ça doit faire partie de ton charme je suppose". Mais la véritable prouesse est bien évidement l'absence de cut, le film étant un plan-séquence, même si en réalité les bobines de 11 minutes nécessitaient de faire des raccords masqués par des gros plans sur le dos des acteurs entre autres. Hitchcock jettera plus tard sur son film un regard acerbe: "J'ai renié toutes mes théories sur le montage". Reste que la caméra se ballade pendant un heure vingt et nous propose un travail sur le cadre remarquable notamment quand elle opère un travelling arrière et laisse apparaître des éléments qui vont jouer avec nos nerfs. Le suspens dans "La corde" est un chef d'oeuvre du genre nous plaçant dans la position paradoxale mais qui fonctionne à merveille du spectateur se rangeant du côté des meurtriers.
Pour l'anecdote, la ville de New York derrière la baie vitrée est un décor de 10 mètres de haut pour lequel le chef décorateur déplaçait les nuages entre chaque prise. Il a fait allumer des centaines d'ampoules les unes après les autres pour donner l'illusion que les appartements de Manhattan s'éclairaient au fur et à mesure que la nuit s'avançait. Amusez-vous à jeter un coup d'oeil à chaque fois que le décor revient dans le champ.