Le paradoxe veut que "La corde", qui est le film le moins mouvementé d'Hitchcock, soit précisément celui où le mouvement est le plus rigoureusement étudié. Cela tient bien sûr à la réalisation d'Hitchcock, lequel a choisi de tourner son sujet au moyen de longs plans-séquences, juste interrompus par les changements de bobines nécessaires. D'où l'apparence théâtrale du film. Ce procédé, s'il ne détermine pas l'intérêt de l'intrigue, n'est pas sans élégance ni maitrise.
Bien loin des sujets échevelés du cinéaste, la singularité de "La corde" relève de cette exercice technique tout autant que du drame criminel purement théorique. La thèse du meurtre en tant qu' "art" développée par le professeur Rupert Cadell est prise au pied de la lettre par deux de ses anciens étudiants, lesquels, passant à la pratique,
assassinent un camarade
en vertu d'une soi-disant supériorité intellectuelle.
Ces deux jeunes gens, cyniques et unis par une amitié ambigüe, sont au coeur d'un sujet sans rebondissement mais qui prend l'aspect, parce que le
cadavre est caché
dans l'unique pièce de ce huis-clos, d'un jeu dangereux.
Le discours complaisant et macabre sur le droit de tuer tenu par le sinistre dandy Brandon sert à Hitchcock à dénoncer ni plus ni moins qu'une notion fasciste du crime.
Bavard au début, le film; érigé en jeu du chat et de la souris, repose ensuite sur une dialectique efficace.