Cage thoracique
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En compagnie de Richard Stanley et de Nicolas Cage, The Color out of Space s’engage dans une nouvelle exploitation de H.P.Lovecraft.
Lovecraft a envahi le 7e art et a donné naissance à un nombre conséquent de films. Que ce soit l’Antre de la folie de John Carpenter, The Thing du même réalisateur, Cloverfield de Matt Reeves, ou encore dernièrement le très contesté Underwater, le fait est que Lovecraft est une source d’inspiration intarissable qui ne cesse d’attiser les convoitises pour son imaginaire unique et tentaculaire. Le monde du jeu vidéo a aussi eu droit à son lot d’adaptations lovecraftiennes comme ce fut cas avec Dead Space, Alone in the Dark, ou encore Bloodborne qui dépeint un monde où des Grands Anciens ont la mainmise sur l’humanité. Toutefois, le processus de l’adaptation vers un autre média est parsemé de plusieurs freins indésirables. En première ligne, la volonté de surfer sans trop d’efforts sur la réputation d’un univers dans le but de ne pas passer par la case création pure et simple. A l’heure où les films multiplient les références à l’univers Lovecraft ou incarnent même des adaptations très libres de celui-ci, The Color out of Space s’emploie à chérir le matériau de base.
Le cas Lovecraft est un cas vraiment particulier, et Richard Stanley semble l’avoir parfaitement compris. L’audace même de Lovecraft est de tenter vainement de faire comprendre l’incompréhensible, de nommer l’innommable, de décrire l’indescriptible. Ce sont des paradoxes qui font plonger un lecteur, un spectateur, ou un joueur dans des histoires lovecraftienne qu’on ne peut pas confronter ni contextualiser. Une pure torture délicieuse qui met à mal la compréhension forcément limitée de celui qui aime repousser jusque dans ses derniers retranchements tout forme d’analyse linéaire. En ce sens, Richard Stanley au commande du long-métrage adapte fidèlement cette œuvre et apporte un merveilleux cauchemar enfin digne du grand maître.
Admirablement mise en scène, la terreur lovecraftienne prend la forme d’un excès de couleur mauve suffisamment vicieuse pour retranscrire tout la malfaisance environnante. En accord avec les codes propres à ce genre si spécial, la réalisation n’en dévoile jamais trop et jongle entre un subtil amalgame de toutes les courbettes possibles pour garantir le flou ambiant qui émane de l’intégralité de l’œuvre. Impossible donc de cibler les origines concrètes de la propagation de cette couleur, impossible de décrire l’horreur vécue par les visions cauchemardesques émises par le film, car la mission d’offrir un cadre d’épouvante malicieuse et énigmatique à l’image de l’univers Lovecraft est accomplie.
Contrairement à ce que laisse penser l’affiche du film, cette overdose de couleur mauve où se noie les visages du casting ne renferme pas le psychédélisme mais l’horrifique pur. Le film n’hésite d’ailleurs pas à prendre aux tripes en relâchant une violence organique digne des meilleurs films adeptes du body horror. L’inspiration de certaines œuvres est si frappante qu’il est aisé de penser à d’illustres représentants du genre comme The Thing ou L'Antre de la folie (John Carpenter), mais aussi Event Horizon, le vaisseau de l'au-delà (Paul W.S. Anderson). Un sens inné de la difformité donc, mais qui reste assez subtil et discret tout en concrétisant toute l’horreur malade de la chose au moment d’être dévoilé.
Pour incarner les conséquences progressives de toute cette horreur qui mine de rien ne faiblit jamais au bout de deux heures de film, le choix s’est porté sur un acteur en particulier : Nicolas Cage. Autrefois doté d’une personnalité très vendeuse, l’acteur a multiplié les rôles de pacotilles s’enfermant ainsi dans l’ombre de sa gloire passée. Pour Color out of Space, Nicolas Cage retrouve la splendeur de ses prestations d’antan et offre un jeu d’acteur brillamment cohérent avec le contexte du film. Totalement jouissif, il incarne l’ajout à la fois psychotique et hilarant qui vient donner corps au récit et à la forme de Color of out Space. Un rôle typique de ce genre de production, mais nécessaire afin d’engager à l’écran la propagation de la folie chez le facteur humain tout en concrétisant l’angoisse qui suinte de l’œuvre toute entière.
Richard Stanley propose un film horrifique tel qu’on en voit très rarement. Le mauve est symboliquement la couleur de la douceur et du rêve, pourtant le réalisateur malmène cette couleur apaisante afin de s’en servir pour dépeindre l’horreur pure. Elle est vecteur d’une menace innommable et épouvantable qu’on ne peut pas contextualiser ni confronter. En respect avec les valeurs d’un univers typique de Lovecraft, Richard Stanley offre un must-see rafraichissant à tous les fanas du genre.
« C'était juste une couleur »
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le 13 avr. 2020
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