Des cours d'éco pour pécho
Après les jeunes criminels de l'excellent et brutal Dog Pound, Kim Chapiron s'attaque à la jeunesse dorée française. Les poches pleines d'argent mais le coeur vide de sentiment.
Dan, Kelliah et Louis sont tous les trois étudiants dans une des meilleures écoles de commerce de France. Dan est un puceau maladif, incapable d'aborder une nana et s'est résigné à mener une vie de moine. Alors, il regarde amusé son pote Jaffar se prendre rateau sur rateau durant les soirées organisées par le BDE. Selon eux, il faut être dans un club pour réussir à pécho, un peu comme les Fraternités aux Etats-Unis. Si t'es pas dans un club, les nanas ne te regardent même pas, t'es invisible aux yeux du reste de la promo. Mais Dan a un plan pour chambouler l'ordre établi : calquer les lois des marchés aux relations humaines. Si les nanas ne prennent pas la peine de calculer Jaffar et Dan, c'est parce qu'ils n'ont aucune valeur sur le marché. Il suffit qu'une jolie fille s'intéresse à eux et leur cote va vite remonter. Pour cela, quoi de mieux que de payer cette jolie fille pour faire semblant, ou plus si affinité ?
Aidé par Kelliah (une jeune de première anné) et Louis (un beau gosse qui se lance dans le projet parce que... bah... fallait un beau gosse quoi), Dan met son plan à exécution et BINGO ! Son pote Jaffar réussit à tremper le biscuit une fois, deux fois... Pris dans son élan, Jaffar se lance dans la musculation afin de modeler le corps de ses rêves. Il refait sa garde robe grâce à un styliste. Les conquêtes s'enchaînent et ne s'arrêtent pas ! Jaffar laisse tomber l'école de commerce pour se lancer dans le cinéma. Une carrière fulgurante se profile. Il devient le Georges Clooney tunisien. Le monde entier le prend comme sex symbol. Le racisme s'effondre en France. Marine le Pen n'est pas élue en 2017. La France est sauvée, merci la prostitution !...........
Ou Jaffar prend juste confiance en lui et les trois amis se frottent les mains en réalisant à quel point le nouveau marché semble prometteur. Un réseau de proxénétisme est donc monté sur le campus de l'école.
Selon Chapiron, il y a deux types d'étudiants. D'un côté, les wanabee winners, fantasmés et adulés mais qui ont subi une lobotomie en rencontrant (trop) de succès auprès de la gente féminine. De l'autre, les losers intelligents, bloqués par leur manque de savoir-vivre et voués à se masturber devant une télé 3D à 5000€ (n'oubliez pas que nous sommes chez les riches de chez riches !)
Ces deux castes ont toutefois une chose en commun : leur manque de sensibilité. Dan, Louis et Kelliah ne savent comment faire face à leurs sentiments. Comment reconnaître le véritable amour lorsque l'on a seulement appris à dominer et à se moquer des autres ?
Ces petits génies ont beau être dans la meilleure école de commerce de France, ils ne sont finalement que de simples jeunes adultes formés par une société sans pitié. Cependant, Chapiron fait le bon choix de ne pas sombrer dans le pathos à deux euros et nous laisse nous attacher aux protagonistes petit à petit, sans scène larmoyante mais à grand renfort de blagues métaphoriques bien écrites.
Comme pour Dog Pound, les rôles ont été donnés à de de jeunes acteurs inconnus, et c'est une sacrée réussite. Thomas Blumenthal (Dan), Alice Isaaz (Kelliah), Jean-Baptiste Lafarge (Louis), Karim Ait M'Hand (Jaffar), tous sont irréprochables et charismatiques. Une petite bouffée d'air frais bienvenue.
Kim Chapiron traite son sujet avec la même volonté d'ultra-réalisme que dans Dog Pound (encore), et ce jusqu'à la dernière scène (du cannibalisme caractérisée). Mais là où ce réalisme servait une brutalité inouïe dans sa précédente réalisation, elle retombe ici à plat et empêche le film de prendre son envol. Nous nous retrouvons face à une histoire d'étudiants qui se veut vraie. Tellement vraie qu'elle peine à marquer. Elle n'en reste pas moins une drôle et sympathique aventure entre amis.
PS : Ne vous laissez pas influencer par la bande-annonce ridicule, à l'opposé même du propos de La Crème de la Crème (merci les marketeux). Aucune apologie de la party hard attitude (avec sex, alcohol, drugs & dubstep), mais un grand cynisme : payer des prostituées pour avoir un peu de chaleur humaine, tandis que la société et ses écoles préfèrent mettre en avant le succès individuel via la promesse d'une belle carrière. Toutefois, l'amour, comme la vie, trouve toujours son chemin... Une morale qui ne saurait déplaire au groupe parisien FAUVE.
PSS : Regardez Dog Pound.