Le prétexte de ce film est évident : réunir deux monstres sacrés de la comédie française et opposer leurs tempéraments et leurs origines. D’un côté, le Provençal Fernandel qui en fait des tonnes en beau parleur fainéant et, de l’autre, le Normand Bourvil qui s’échine à sortir de son caractère travailleur et sur le dos duquel on aime profiter de certaines choses. Chacun récite une partition qu’il connait par cœur conduisant à un duo mal assorti qui fait des étincelles. Si les deux acteurs ne se sont pas particulièrement bien entendus sur le tournage (Fernandel se montrant parfois condescendant à l’égard d’un acteur qui pourtant l’admirait), leur complicité paraît cependant évidente dans de nombreuses scènes et concrétise l’alchimie espérée par le spectateur. L’illusion étant au rendez-vous, l’essentiel est assuré.
Pour mettre le tout en sauce, Gilles Grangier (qui a, notamment, beaucoup tourné avec Gabin ces années-là) connaît bien son métier. S’il s’appuie sur un scénario plutôt mince (et réécrit à plusieurs reprises) mais original, il exploite surtout parfaitement une galerie de personnages truculents et des situations caricaturales incontournables. De la partie de pétanque à celle de pêche en passant par une guerre des sexes amusante dans les années 60 (qui a dit que les hommes avaient toujours commandé ?), le film sait tirer parti de ses comédiens et de dialogues pagnolesques qui sont assurément les meilleurs écrits par Raymond Castans. Pour le coup, il est préférable d’aimer Fernandel et les fantaisies provençales dans lesquelles il a tourné pour apprécier un film qui tourne plus autour de lui que de Bourvil même si sa présence est évidemment une grosse plus-value.
Drôle, bien menée, voilà une fable amusante parfaitement interprétée par des acteurs cabotinant joyeusement pour assurer la couleur locale de l’ensemble. Si la fin du récit est plus bancale (mais lui trouver une résolution n’était pas chose aisée), on retient la bonne humeur générale et un rythme bien équilibré. Voilà un petit film avec deux grands acteurs qui vise tout à fait juste. On peut s’étonner qu’il ne soit pas davantage estimé, surtout lorsqu’on voit ce qu’on fait d’un pareil sujet aujourd’hui (cf. Pension complète).