Lors de la Seconde Guerre Mondiale Fernand Jouvin,restaurateur provençal,a été mobilisé dans l'armée et s'est retrouvé prisonnier en Allemagne.Evadé de son stalag,il est recueilli par Gerda,une plantureuse fermière dont le mari est pour sa part détenu en Sibérie.La guerre se termine mais Fernand reste auprès de Gerda,sans se soucier de ses proches,dont son épouse Christiane,ni leur donner de nouvelles.Mais au bout d'une dizaine d'années le teuton revient de Russie et le marseillais doit céder la place.N'ayant pas d'autre option,il retourne à Martigues,où tout le monde le croit mort.D'ailleurs sa femme s'est remariée avec un autre cuisinier,André,qui a repris le restau et l'a transformé en établissement spécialisé dans les plats régionaux de Normandie,le pays dont il est originaire.La situation est inextricable et les manoeuvres de Fernand ne vont pas arranger l'ambiance.Gros évènement en 63 que cette première et unique rencontre au sommet entre les deux mégastars de l'humour hexagonal,Fernandel et Bourvil.Mais la montagne a accouché d'une souris et cette petite comédie approximative se révèle fort décevante.C'est l'inégal Gilles Grangier qui réalise,et il fait le taf correctement sans parvenir à s'extirper du scénario très moyen de Jean Manse et des dialogues peu inspirés de Raymond Castans.Le producteur Robert Dorfmann s'est contenté de peu,pensant visiblement que mettre les deux lascars à l'affiche suffirait à remplir les salles,ce qui a probablement été le cas.Le début du film est assez bon,avec une mise en place rapide,claire et bien exécutée,mais l'histoire va progressivement se déliter à partir du moment où Christiane et André accueillent Fernand chez eux.Le faux prisonnier de guerre s'affirme comme un fainéant,un menteur et un manipulateur qui profite de la situation pour tenter de reconquérir son ex dans le dos d'André,qui lui est un brave gars honnête et travailleur mais un peu naïf et couillon.Ce dispositif est naturellement destiné à mettre en évidence les personnalités des deux comédiens et leur opposition géographique.On a donc les clichés du marseillais beau parleur allergique au boulot et du normand simplet à l'air ahuri,emplois très fréquentés par ces acteurs au cours de leur carrière.Ca ne suffit malheureusement pas à faire un film et les personnages errent au fil d'une histoire improbable et peu rythmée en adoptant des comportements corrélés à une logique discutable.Les scènes s'enchaînent sans grande fluidité,les attitudes changent brusquement,le script évolue de façon heurtée sans qu'on comprenne toujours où veulent en venir les protagonistes.Les réactions de Christiane notamment sont plutôt floues,elle semble comblée avec André mais n'est pas insensible au gringue que lui fait son ex,le discours sous-jacent paraissant indiquer que le méridional est un salopard dans l'âme mais qu'il est préférable au nordiste car les crapules sont plus marrantes que les types bien.Quant aux rapports entre les deux hommes,ils évoluent péniblement.Sympathie au début,puis détestation,avant d'inexplicablement tourner à la franche amitié sans qu'on discerne vraiment la part d'hypocrisie chez Fernand.Tout ça est fort brumeux mais le scénario a au moins le mérite de traiter,même si c'est superficiellement et sur le ton de la farce,le sujet des prisonniers de guerre revenus très tard dans leurs foyers pour constater que leurs places avaient été prises et que tout le monde s'était plus ou moins résigné à leur disparition.Double peine donc pour ces mecs maltraités par la guerre et ensuite privés d'une vie qui s'était envolée durant leur absence.Fernandel et Bourvil,alias Fernand Contandin et André Raimbourg,portent leurs vrais prénoms dans le film.Ils sont excellents chacun dans leur registre mais le premier,dont le rôle est plus payant,prend nettement le dessus.La plupart des seconds plans sont de vrais provençaux et on remarque surtout Claire Maurier,très belle dans l'éclat de sa jeunesse et bonne actrice au point de tenir parfaitement le choc face aux deux monstres sacrés qui se la disputent.Il y a aussi Michel Galabru et Andrex,très à leur aise en un tel contexte.Par contre Anne-Marie Carrière se gaufre salement en surjouant la caricature de la grosse allemande démonstrative à accent choucroute.Elle eut en son temps le mérite d'être la première chansonnière française,ce qu'on appellerait aujourd'hui une one-show woman,à une époque où seuls les hommes pratiquaient cette activité,mais elle n'a jamais été très drôle,oeuvrant dans le genre marchande de poisson vulgaire.