Sébastien Japrisot, excellent romancier du XXème siècle, aura souvent été adapté au cinéma, parfois même en tant que scénariste des projets concernés : "Compartiment tueurs" (Costa Gavras), "L'été meurtrier" (Jean Becker), "La course du lièvre à travers les champs" (René Clément), "Un long dimanche de fiançailles" (Jean-Pierre Jeunet)... Peu d'écrivains français peuvent se vanter d'un tel succès auprès de réalisateurs de tous bords.
Et puisque le bonhomme a un penchant pour les titres interminables, il faut ajouter à cette liste "La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil", roman policier ayant déjà eu les honneurs d'une adaptation en 1970, à l'occasion du tout dernier film d'Anatole Litvak, autour d'une distribution internationale.
C'est désormais le touche à tout Joann Sfar qui propose sa version du récit, en conservant d'ailleurs le principe d'un casting cosmopolite, au sein duquel on retrouve l'écossaise Freya Mavor dans le rôle principal, entourée du français Benjamin Biolay (très moyen), de l'italien Elio Germano (beaucoup mieux), et de la jeune franco-britannique Stacy Martin.
"La dame..." s'apparente surtout à un exercice de style classieux, dans lequel l'auteur de bandes dessinées peut faire admirer sa science de la composition des plans (nombreux split-screens) et du montage, la qualité de ses références (Lynch notamment) et la sûreté de ses goûts musicaux (la bande originale est vraiment excellente).
Ainsi, Joann Sfar met en scène son désir pour son actrice principale, une rouquine myope aux jambes interminables, qui aimante la caméra et fait partie de chaque plan ou presque.
L'esthétique du film, qui se déroule dans les années 60, est souvent magnifique, entre les mini-jupes haute couture, la Ford Thunderbird couleur vert d'eau ou encore les scènes au bord de l'eau ; Sfar joue habilement avec les mythes des sixties pour nous offrir sa vision iconique de cette période fantasmée.
Là où le bât blesse, c'est que "La dame..." reste avant tout un thriller, et Sfar ne parvient pas véritablement à illustrer le tour de force scénaristique de Japrisot, se contentant de proposer un dénouement explicatif en flash-back, fourni qui plus est par la voix inaudible de Biolay.
L'énorme potentiel ludique du roman est donc mal exploité, limitant hélas "La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil" à une (très) jolie coquille vide.