Une "dame de fer" apolitique
Margaret Thatcher est un personnage historique complexe et controversé. Tantôt adulée, tantôt haïe, cette première Premier ministre de la Grande-Bretagne ne laisse personne indifférent. Quand la réalisatrice Phylidda Lloyd, certes auteure d'une comédie-hommage à ABBA passée dans l'oubli, décide de porter à l'écran son destin hors du commun, le projet fait naître autour de lui bon nombre d'attentes.
Premièrement, le choix de Meryl Streep pour incarner cette femme politique s'avère pertinent. En quinquagénaire à la tête du pays ou en vieille femme isolée soumise aux prémices de la démence, l'actrice sait multiplier les interprétations pour jouer avec talent une femme sur plus de quarante ans de sa vie. Chaque parole, chaque geste, chaque émotion est parfaite. Mais Meryl Streep est bien la seule à exceller dans ce film, pataugeant dans un scénario tout sauf historique.
La réalisatrice a en effet choisi d'approcher ce destin fascinant par le biais de la vie privée. La moitié du film se consacre à cette vieille femme sénile qui, n'ayant pas fait le deuil de son mari, se trouve à discuter avec lui dans ses hallucinations permanentes. Les scènes sont certes touchantes mais c'est trop peu quand on s'intéresse à la « dame de fer ».
En effet, rien ou presque sur sa carrière et son action politiques. Utilisant une narration par souvenirs, la réalisatrice semble avoir des trous de mémoire comme son héroïne. Tout est bâclé, tout est résumé, tout est tronqué. La guerre des Malouines ? Rien d'autre qu'une compilation d'archives entrecoupées de scènes où Thatcher règle la situation d'un coup de poing sur la table. L'Irish Republican Army, les talibans d'Al-Qaïda ou les mineurs grévistes sont tous assimilés à des terroristes dans un gloubiboulga indigeste tant sur le plan politique qu'idéologique. Au contraire, Thatcher, elle, représente l'ordre, la sérénité, la paix. Le film bascule alors petit à petit dans une hagiographie des plus déplorables sur un personnage aussi complexe. Il aurait fallu tirer cette femme du cadre qui entoure sa légende : soit on l'adore, soit on la déteste. Sans tomber dans la condamnation pure et simple de son action politique et de sa personnalité, il aurait fallu nuancer le propos en ne proposant pas un tel éloge. La réalisation, quant à elle, ne vient pas relever un film désespérément lent.
Un sentiment de déception et de frustration vient donc terminer cette critique. Quand on voit la performance de Meryl Streep, on ne peut regretter qu'elle ait été si mal servie par ce scénario. Le film aurait pu être très grand. Quand décideront-ils d'embaucher des historiens pour écrire un biopic historique ? A bas l'histoire-people et à bas l'histoire vue par Gala ou Paris Match ! Il est temps de comprendre l'Histoire par les pensées, les idées et les convictions de ceux qui la font et non pas par un quelconque sentimentalisme outrancier et malvenu.