Belle reconstitution de la machine de mort khmère rouge.
Le Cambodge à la veille de la révolution khmer rouge. Sydney Shandberg se déplace, avec l'aide d'un journaliste cambodgien, Dith Pran, sur le lieu d'un "incident mineur", en réalité un bombardement des Khmers rouges, aidés par le Vienam. Les Etats-Unis ne font rien, et l'ambasse américaine plie bagage, en prévision de la défaite de Sihanouk. Shandberg reste sur place, puis se replie dans l'ambasse de France. Pran y est aussi, et ils essaient de lui mitonner un passerport américain bidon, mais cela échoue. Shandberg quitte le Cambodge et signe un certain nombre de papiers sur le sujet, mais de son côté Pran vit l'enfer de la politique de Pol Pot, qui opère une ruralisation forcée des masses. Travaillant dans les rizières, à la merci des maladies, et cachant qu'il a reçu une éducation, Pran tombe dans les bonnes grâces d'un maton qui lui demande de gagner la frontière vietnamienne avec son fils. Celui-ci saute sur une mine, mais lui parvient finalement à rejoindre un camp de la Croix Rouge. Shandberg, entretemps pulitzerisé, vient le rejoindre. Embrassades emplies de larmes.
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J'aime énormément le point de vue du film, qui montre les événements non depuis un groupe armé, mais depuis les civils, en proie à une évacuation de dernière minute. La photographie est très belle, ce qui est normal dans un pays aussi beau que le Cambodge. Il y a aussi le parti pris de laisser des passages du film en cambodgien ou en français, et ça c'est bien.
Beaucoup de détails véristes, de dialogues sur l'ironie de la situation :
- Si ça se gâte trop, on dit qu'il faut miser sur l'ambassade de France...
- D'après qui ?
- L'ambassade de Grande-Bretagne (glousse).
Image frappante, le carré gris du polaroïd sur le passeport truqué de Prahn, car le révélateur n'a pas tenu : un mauvais présage.
La bande sonore est très déroutante et hétéroclite, on passe du pompier à de la musique industrialo-atonale super flippante. Les scènes de guerre sont classiques mais pas héroïques. La reconstitution du régime khmer rouge est saisissante, avec cette image traumatique de charnier, notamment. "La déchirure" est un film-choc, très efficace. Les acteurs font magistralement le boulot.
Je regrette simplement, comme dans d'autres films de Joffe (par exemple "La missione) un pathos un peu trop appuyé et un peu trop univoque, notamment ces plans qui s'étirent sur le visage de Shandberg, empli de mauvaise conscience et implorant, les yeux pleins de larmes, dieu sait quelle divinité de protéger son ami... ça va, on a compris qu'ils sont liés. Sans ces passages, je monterais sans problème le film jusqu'à 9.
"La déchirure" est, dans la position qu'il adopte, celle que devraient prendre tous les films de guerre.