Rares sont les films traitant du Cambodge et de sa terrible guerre. La Déchirure (The Killing Fields en version originale), offre une histoire sous fond d'amitié au cœur de cette terrible période qu'a vécu le pays, toujours en reconstruction.
Lors de mon récent voyage au Cambodge, je fus bouleversée par l'histoire déchirante et pas si lointaine du pays. Un peu ignare, je ne connaissais que les grandes lignes du passé. Ce fut grâce aux visites du "Killing Fields" et de la prison S21 de Phnom Penh que la claque fut retentissante dans mon petit cœur. Estomaquée par ce que j'ai vu, lu et entendu, ma soif d'en savoir davantage m'a tenue jusqu'à mon retour en France. Je n'ai ainsi pas traîné à remplir ma DVDthèque de films sur le sujet, et La Déchirure fut le premier.
17 avril 1975. Alors que la guerre du Vietnam déborde sur le territoire cambodgien, un journaliste américain du New-York Times, Sydney Schanberg (incarné par Sam Waterston) de son nom, est un des rares reporters à être resté dans le pays après la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges. Son assistant cambodgien, Dith Pran (Haing S. Ngor), lui sauve la vie et les deux courent se réfugier à l'ambassade de France, le site permettant une sécurité des plus sûres. Schanberg regagne les Etats-Unis, tandis que Pran est lui rapidement exclu du lieu, puis déporté par les Khmers dans un camp de travail. Rongé par la culpabilité et l'inquiétude, le reporter américain va tout mettre en oeuvre pour retrouver son acolyte.
Tiré d'une histoire réelle, le film oscille tout du long entre faits historiques et véritable fiction. Le film est clairement divisé en deux parties ; la première axée sur la conquête des Khmers rouges via la vision des deux journalistes, et la seconde met en lumière le contrôle sans pitié des Khmers, mais cette fois-ci par le regard de Dith Pran, guidé par son seul instinct de survie. La première partie beaucoup plus politique, illustre la difficulté des journalistes en temps de guerre de retranscrire le conflit et le chaos de façon totalement transparente. L'ascension fulgurante de l'horreur dans les rues installe une tension plus en plus palpable au sein de l'ambassade, jusqu'à l'éclatement permettant la transition vers la seconde partie. La panique laisse place à la peur du peuple cambodgien, dont les visages affolés transmettent une détresse profonde. En face d'eux se lit la folie sans limite des enfants soldats, aussi impitoyables que leurs aînés Khmers.
Réduit à l'état d'animal, Dith Pran va lutter pour sa survie dans un régime où être instruit est le pire des crimes. Se taire, s'effacer pour ne pas attirer l'attention, encaisser le travail inhumain, la torture et la faim, tel est le nouveau quotidien de notre reporter. La mort est partout, et peut survenir n'importe quand. Le besoin viscéral de fuir, s'évader de cet enfer pour retrouver les siens, prend alors le dessus sur la peur. Jusqu'au bout le courage de Pran face à l'abomination nous tient en haleine. Et les questions du type "Qu'aurais-je fait ?" nous viennent naturellement. Les retrouvailles finales entre Dith Pran et Sydney Schanberg, forcément teintées de mélo, sonnent comme la conclusion heureuse à quête des deux héros ; celle d'une amitié sans frontières.
Côté casting, l'acteur cambodgien Haing S. Ngor illumine l'écran, son regard triste et déterminé nous remue tout du long. Il prend toute la lumière du film, mettant de l'ombre à Sam Waterston, très bon en reporter de guerre. On notera également la présence de John Malkovich, parfait comme toujours sous les traits d'Al Rockoff, lui-aussi journaliste. La jolie B.O de Mike Oldfield épouse subtilement la violence du film en créant une atmosphère anxiogène dans ces paysages meurtris par le passage de la barbarie.
Véritable plaidoyer pour la paix et la liberté d'expression, La Déchirure, conclu par un Imagine de John Lennon rempli de sens, bouleverse et indigne pour ne jamais oublier.
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