"Opinions are like assholes", eh bien voici mon opinion

Harry Callahan est un personnage né au début des années 70, et 4 films plus tard, avec La dernière cible, il se retrouve déjà à la fin des 80's. Le précédent opus, Sudden impact, avait plutôt bien marché (22 million de dollars de budget, et 67 million de recettes rien qu'aux USA), et pourtant pour la première fois, dans La dernière cible, on ressent la volonté, sûrement de la part du studio, de s'adresser à un nouveau public.
Ainsi, à Harry, toujours habillé de la même façon, arborant encore une veste grise et morne, s'opposent des rockstars et un réalisateur de film d'horreur. Parce que les jeunes, c'est ce qu'ils aiment !
Le titre français de ce 5ème épisode est "L'inspecteur Harry est la dernière cible", ou juste "La dernière cible", les différentes éditions DVD ne sont même pas d'accord entre elles, en tout cas en VO c'est "The dead pool". Aucun rapport avec le héros Marvel, le titre désigne un jeu pratiqué par certains personnages du film : chacun fait une liste de noms de célébrités qui risquent de mourir dans l'année, et celui qui a prévu le plus de décès gagne le jeu.
Sur une de ces listes, dont les personnes inscrites meurent les unes après les autres, il y a Harry Callahan.
Cette fois, la nouveauté de ce film-ci par rapport à l'identité du tueur, c'est qu'on ne connaît pas l'identité du tueur. Pour la première fois dans la saga. Ça aurait pu être intéressant de voir Harry enquêter, que l'on découvre des choses en même temps que lui, mais au final l'enquête en elle-même est des plus simples et le scénario ne s'y intéresse pas tant que ça.
Les auteurs du script ne se sont pas vraiment creusé la tête pour faire avancer l'histoire, la "dead pool", le collègue d'Harry le retrouve par hasard, en fouillant le corps d'un homme qu'ils viennent de voir mourir, victime d'un braquage...
Il n'y a pas vraiment de mystère, le spectateur n'est pas trop intrigué, et quand on essaye de nous faire croire que tel personnage est le tueur, on sait bien que ce n'est pas le cas.
Et lorsqu'on découvre finalement qui est le tueur, le personnage est insupportable et caricatural.

En revanche, c’était une bonne idée de faire d’Harry Callahan une figure publique, c’est une mise en abyme de la popularité du personnage, et ça semble logique au sein du film, vu toutes les affaires auxquelles il a été mêlé dans l’ensemble de la saga.
Son supérieur lui ordonne de collaborer avec la presse, mais malgré ses efforts, Harry reste Harry…
C’est intéressant de voir un peu comment les media peuvent manquer de sensibilité mais aussi empiéter sur des enquêtes, en obtenant des preuves avant la police, ou en en dévoilant trop au public. Mais là non plus, l’idée n’est pas assez exploitée, elle n’est que survolée (heureusement, il y a peu est sorti le film Nightcrawler/Night call, qui traite de ces thèmes à fond)
La dernière cible essaye de partir dans plusieurs directions différentes, sans approfondir grand-chose.
On comprend un peu mieux ce qu'il s'est passé en observant la filmographie des trois scénaristes : aucun n'a écrit d'autre film avant ou après, et deux d'entre eux étaient acteurs dans Ratboy, réalisation de Sondra Locke, compagne d'Eastwood à l'époque. Etant donné qu'ils n'ont joué dans aucun autre film avant ou après non plus, on peut supposer que c'était des amis de Sondra, ou même de Clint, puisqu'ils ont aussi été consultants scientifiques sur son film Firefox...
Les scénaristes ont même cherché ici à placer un message de représailles envers Pauline Kael, la critique qui s’était révolté contre le premier Dirty Harry. Quatre films plus tard, on voit donc dans La dernière cible une critique de cinéma se faire assassiner par un maniaque lui demandant à répétition si elle aime ses films.
Une vengeance qui, en plus de n’avoir rien à faire dans un film, manque vraiment de subtilité et de classe…

Paradoxalement, on dirait qu’on a encore cherché à rendre Harry Callahan un peu moins politiquement incorrect. Lui qui, dans le premier film, citait les gens qu’il détestait en nommant toutes les ethnies lui passant par la tête, se voit attribué un coéquipier asiatique, Al Quan, et… Harry se montre aimable, et reconnaît son expérience.
Ce qui n’empêche pas le coéquipier de se montrer, finalement, très peu utile à l’intrigue. Chaque scène aurait pu être tournée sans lui, ça n’aurait posé aucun problème. Et c’est probablement cliché, mais Quan maîtrise les arts martiaux. C’est un acquis, c’est normal. En tout cas il met à terre un criminel grâce à ses coups de pieds, et rappelle au public qu’on peut arrêter un braqueur en passant les menottes, sans lui tirer une balle. Ah oui, c’est vrai, j’avais presque oublié ça, habitué que j’étais aux méthodes d’Harry…
Autrement, le héros est fidèle à lui-même. Pour la 3ème fois, son supérieur lui retire son affectation aux rues de San Francisco. Pour la 5ème fois, son sidekick finit sur la touche. Mais surtout, Harry nous livre toujours des punchlines mémorables. Dont une réplique sur les "trous du cul" qu’un de mes comparses aime souvent citer en société.
Et, toujours dans la tradition des Dirty Harry, cet épisode-ci a un nouveau réalisateur aux commandes, Buddy Van Horn, qui était un cascadeur au départ. Sa mise en scène est la moins marquante de la saga ; ce qu’on peut remarquer éventuellement, c’est l’usage de quelques ralentis maladroits.
Les séquences les plus inventives du film le sont surtout grâce à quelques idées du scénario : la séquence de la voiture télécommandée, des scènes avec des twists amusants. Mais en dehors des répliques d'Harry, on s'amuse surtout de voir Liam Neeson, et "James" Carrey en rockstar, une idée de génie.
Il faut noter par contre qu’on a encore une légère surenchère dans la violence, toujours légèrement plus frontale. Tir de magnum dans la tête, malfrat écrasé entre deux voitures, … Et le film se conclut par un "overkill" plutôt propre à des films d’action à la Stallone qu’à du Dirty Harry. Il y a cette volonté d’en faire plus, toujours un petit peu plus (et d’avoir une arme toujours plus grosse) mais du coup je trouve que La dernière cible va trop loin. Harry ne tue plus par nécessité, mais par plaisir, son ennemi étant désarmé, et de plus le meurtre (puisqu'il s'agit bien d'un meurtre) est d’une bêtise qui serait plutôt acceptable dans un film plus second degré, avec un décalage assumé.
Le réalisme fait aussi de plus en plus défaut, à plusieurs reprises le héros est attaqué par des hommes armés de mitraillettes, et s’en sort sans une seule blessure, pas une égratignure.
La dernière cible est clairement l’épisode qui s’éloigne le plus de ce qui faisait l’identité, et probablement le succès, de Dirty Harry.

La dernière cible a coûté 31 million de dollars, et n’en a rapporté que 37. C’est là que se sont arrêtées les aventures d’Harry Callahan.
J’avoue que j’aurais tout de même aimé voir où des scénaristes auraient encore pu mener le personnage dans une autre suite. Harry Callahan est un personnage auquel je suis très attaché, et c’est forcément difficile de s’en séparer.
Peut-être qu’un jour je testerai un des tomes de la série de romans qui a été écrite par Ric Meyers et Leslie Alan Horvitz.
Au milieu des années 2000, un jeu vidéo été prévu, mais a finalement été annulé. Je regrette de ne jamais pouvoir y jouer, car ça aurait été un tel plaisir d’incarner Harry…
En tout cas, ça démontre la grande influence du personnage, encore très apprécié. Je sais que les gens demandent régulièrement à Clint Eastwood quand on verra un Dirty Harry 6… chose qui ne se fera jamais.
Wykydtron IV

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