Ce téléfilm était sur une pente aussi glissante qu'une descente à 20% recouverte de savon. Le fait qu'Onteniente en soit le réalisateur faisait encore plus peur. Et le résultat est inattendu mais plus horrible que je ne le pensais.
Tout d'abord, je tiens à préciser que, s'il ne s'essaie pas à l'humour avec des pitres pitoyables, Onteniente n'est pas le plus nul réalisateur de France (j'ai quelques noms en tête...) mais un tâcheron pas pire qu'un autre sur le service public (j'avoue que l'on ne peut vraiment pas prendre cela pour un éloge).
Le gros problème n'est pas la réalisation en elle-même mais le traitement. Pour ne pas tomber dans le piège du simple biopic, les scénaristes ont cherché à innover. Mais le résultat est raté car toutes les tares du biopic sont restées, alors que d'autres sont apparues en cours de route. Peut-être un docu-fiction, comme pour Eugène Christophe, aurait été plus pertinent.
Parce que là on sombre dans le grand n'importe quoi!
Déjà première tare : le tournage s'est fait en hiver. Alors que le tour de France se passe en... (je teste juste l'intelligence du lecteur) Le contraste saisonnier est visible comme le nez au milieu de la figure : les arbres sont nus, les paysages désolés, il y a de la neige en moyenne montagne... Onteniente essaie de cacher cette misère en mettant autant de plans du Tour de France que dans la bande-annonce, c'est-à-dire vraiment pas beaucoup. Je savais que ce ne serait pas vraiment un film sur la course en elle-même, mais moins de 30 secondes fallait le faire.
Ensuite les interactions entre les personnages de fiction et le Tour de France sont risibles. Le docteur passe la ligne d'arrivée à pied devant 1 figurant tous les 2 mètres. Et la ligne d'arrivée ne correspond pas à celle qu'empruntent les coureurs! Une autre scène d'interaction montre le docteur soigner un coureur ayant chuté sur la ligne. L'ennui étant que le comédien faisant l'acteur n'a pas le physique d'un coureur professionnel (il est bien trop trapu, un peu comme si Teddy Riner faisait du 100 mètres), et qu'un maillot orange pétant bien visible se serait vite vu dans cette chute (et en plus les Euskaltels n'ont pas de sprinteur). Il faut dire qu'en même temps l'équipe Euskaltel était dissoute, donc y avait pas de droits à payer...
Sinon Amaury Sport Organisation a mis le paquet en faisant garer la caravane du tour dans un hôtel (on dira que c'est à chaque fois un autre!), et le service public télévisuel a mis à contribution certains de ses employés. Mis à part le plaisir d'entendre quelqu'un dire à Gérard Holtz de la fermer, je ne vois pas ce que cela apporte.
Le côté reconstitution est donc raté, mais ce n'est rien par rapport au foutage de gueule qui l'accompagne. Les cons, ça ose tout, et c'est à cela qu'on les reconnait. Là les cons ont osé créé un personnage improbable de médecin pour accompagner Laurent Fignon. D'un côté, le téléfilm essaie de reconstituer la vie de Laurent Fignon (avec la reconstitution en mousse du Tour de France, plein d'images d'archives, et les apparitions de ses collègues), et de l'autre nous balance une histoire fictive inintéressante, foireuse, et sans crédibilité.
Dans tout scénario, il doit y avoir un conflit. Ici pour accompagner un ancien champion cycliste grande gueule, on lui ajoute un médecin râleur qui ne connaît rien au sport. Cette confrontation tourne rapidement à vide, tellement elle est artificielle. Qui peut croire à un médecin qui attend la moitié du tour de France pour se renseigner enfin sur les exploits de son patient célèbre? Le film n'est pas un biopic mais de nombreuses scènes sont des prétextes éculés pour raconter des anecdotes sur Laurent Fignon : il raconte aux autres patients dans la salle d'attente sa mésaventure au Giro 1984, puis avant la chimio parle à son médecin du dopage... Mais le pire étant qu'après un direct il y ait un monteur (avec le look et le phrasé d'un djeunz de banlieue) qui lui montre une scène de chute et lui demande l'endroit et la date (Visiblement les archives ne sont pas classées)! Grotesque...
Il faut reconnaître au téléfilm qu'il a évité l'écueil du voyeurisme, mais un peu trop. On ne voit que peu Fignon souffrir de sa maladie, d'ailleurs Le Bihan ne reprend pas la voix enrouée qu'avait le vrai Laurent Fignon lors de ce Tour de France suite à sa tumeur. Une bonne partie des dialogues se résume à des engueulades sur le thème du : "Mais je vous avais demandé de rester dans votre chambre/ Je veux vivre ma vie comme je l'entends!" Au bout de la 6ème fois on a moins l'impression de voir un téléfilm sur un cancéreux qu'un thriller sur un médecin pisse-froid qui harcèle un bon vivant.
Enfin il y a toute la partie "vie privée du médecin" avec sa copine enceinte dont OSEF complètement.
Niveau casting, Le Bihan s'est transformé physiquement en Laurent Fignon mais n'est crédible que par intermittence. Youssef Hajdi semble issu des recalés de PBLV. Claire Keim pleure de temps à autre, et ne sert à rien d'autre. Au moins ceux qui reprennent leur propre rôle restent sobres puisqu'il s'agit d'un hommage à un collègue mort.
On peut trouver le personnage de Laurent Fignon qu'interprète Le Bihan assez touchant, mais le reste fait peine à voir. Le traitement est indigne du champion.