Sans connaître le cinéma de Wes Craven par cœur (je n'ai vu que deux de ses films en tant que réalisateur), La Dernière Maison sur la gauche est une ébauche intéressante du cinéma qu'il me semble avoir développé par la suite.
Surtout au niveau des thématiques, notamment l'opposition apparente entre une bourgeoisie propre et éduquée et une classe "inférieure" pauvre et délinquante. Une opposition qui se retrouve également évidemment entre une jeunesse et une population plus âgée qui voit la première comme dépravée. Et le film de dérouler son histoire pour au final ramener tout ce beau monde au même état de sauvagerie, les raisons de celle-ci étant différentes; quoique, on aurait tôt fait de justifier plus facilement la violence déployée (allant même jusqu'à l'émasculation avec les dents) par la bourgeoisie par un désir de vengeance, que celle, d'apparence insensée ou juste sadique du groupe de truands, mais dont certains indices laissent supposer une forme de vengeance contre une violence "systémique" et symbolique exercée sur eux. Qui sommes-nous pour juger de la légitimité d'un acte de violence? En temps normal, l'Etat et la justice s'en occupe, ici représentés comme défaillants par le biais de deux policiers incompétents, stupides et franchement antipathiques, malgré leur bonhomie et leur rôle de ressort humoristique.
Cet humour justement, qui tire sur le burlesque, est assez déstabilisant entre deux scènes de viol et/ou de meurtre, et est parfois dangereusement hors-sujet. Surtout que le propos abordé et la façon dont il est développé, comme l'exprime mon premier paragraphe probablement incompréhensible, est assez intéressant pour ne pas avoir besoin d'essayer de rendre cette incompétence policière rigolote.
On a également droit à quelques ratés assez gros, comme une actrice censée être morte qui bat des jambes dans l'eau pour rester à la surface ou qui respire, ouvre les yeux et bouge la tête ouvertement lorsque son cadavre est découvert. Le jeu d'acteur est parfois aussi un peu pété. Ça reste assez éparse, et on peut excuser ça par l'amateurisme probable de certains des acteurs et le fait qu'il s'agit d'un "premier film".
La mise en scène est très intéressante, et je retiendrai notamment une scène remarquable, où la caméra, très mouvante et tremblante dans le reste du film, se pose pour parfaitement cadrer et capturer un instant figé dans le temps, entre un viol et un meurtre lacustre, où les protagonistes, victime comme bourreaux, se retrouvent dans un même état de léthargie émotionnelle, sur une magnifique musique de David Hess, à la fois chef des méchants et compositeur, qui livre d'ailleurs une très bonne partition musicale et dramatique dans le reste du film.
Un film imparfait donc, mais extrêmement intéressant, avec ses moments très, très bons. Un gros 6 pour ma part, à la limite du 7.