La Double Vie de Véronique par Acco
Je me souviens de la mort de Weronika, encore et encore.
Ce film est un rêve. Un rêve obsédant qui refait surface et dont on s'imprègne, un peu malgré nous. Parce qu'en dépit de la beauté évidente de chaque plan, l'ensemble reste une crypte, bourrée de symboles et de parallèles en tout genre. Cette quête du double n'est qu'une parabole, simple dans l'énoncé, comme le souligne Alexandre en conclusion. Ce n'est pas le récit, mais la progression qui est fondamentale.
Et tout commence avec Weronika. Antek l'aime d'un amour naïf, simple et terre à terre. C'est ce dont elle a besoin, même si l'attachement de ce dernier a tendance à la rendre mal à l'aise. Elle a suffisamment de soucis avec elle-même, avec tous ces signes qui semblent à sa poursuite... Le manque qu'elle ressent, ni les hommes, ni son entourage ne peuvent le combler. Elle doit tout régler en solitaire. Alors elle espère une vie plus paisible, une tranquillité en quelque sorte, mais rien n'y fait. Elle est toujours plus distante, d'autant plus que son détachement l'éloigne de ceux qu'elle aime. Certains se sentent rejetés, essaient de comprendre... en vain.
Et puis intervient le lien avec Véronique, elle aussi au milieu d'un monde parfois sec et violent, qu'elle ne comprend plus. Un spectacle de marionnettes lui laisse entrevoir cette partie qu'elle cherchait à garder enfouie, et lui montre que l'espoir reste possible. Elle aperçoit ce vide à combler, comme une sorte de deuil imaginaire qui se situerait au plus profond d'elle-même. Au milieu de visages d'enfants émerveillés tout droit sortis des 400 coups, elle se laisse bercer, elle aussi. Et ce sont les mains d'Alexandre, à l'origine de ce ballet inattendu, qui l'intriguent par dessus tout.
C'est ainsi qu'il se rapproche d'elle de façon méthodique, par clins d'œil appuyés, comme pour la prendre au piège. Le choc n'en est que plus grand : elle se sent trahie, trompée (« Pourquoi moi ? Pourquoi vous m'avez choisi ? »)... Mais non ! Tout cela ne peut pas être qu'un jeu... Et l'on s'identifie à ce marionnettiste romantique, sorte de dandy méticuleux qui fait mine d'ignorer s'il cherche l'amour ou une vérité sur lui-même... Un égoïsme apparent qui anéantit Véronique, guidée par cet instinct typiquement féminin, insaisissable, que l'on retrouve tout au long du film. Pourquoi se sent-elle autant liée à Weronika ? C'est ce même manque qui l'emmène vers cet Alexandre, la quête d'un absolu, une curiosité qu'elle-même ne parvient pas à expliquer.
Ce film, c'est aussi et surtout une histoire de corps mêlés, une incroyable déclaration d'amour et de sensualité, le plus beau baiser qui soit... Bref, une notion de l'intime qui frappe avec une justesse folle. On divague, on lutte, on met bout à bout des indices qui ne signifient peut-être rien... On croit trouver du fantastique là où il n'y en a pas. La recherche de soi-même et de l'être aimé se confondent, inexorablement. L'essentiel se situe peut-être ailleurs : un souffle sur une vitre par ci, de vagues reflets par là... Une foule de détails que l'on s'approprie et qui redonnent foi en l'amour.
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