Le retour de la plus célèbre famille joyeusement morbide de la pop culture avait été timidement accueilli en 2019 (plus chaleureusement par d'autres), mais fit venir à elle nombre de spectateurs. Suffisamment pour qu’une suite soit mise en chantier.

Cette tiède réception s’est aggravée avec cette suite, assez proche mais tout de même en dessous. Ceux qui n’ont pas aimé n’aimeront toujours pas, ceux qui ont aimé aimeront probablement un peu moins, mais il est important de revoir certains points ensemble, si vous le voulez bien.

La reprise en main de la licence par Greg Tiernan et Conrad Vernon n’est qu’une déclinaison de plus d’une famille qui a été crée en 1938 sous les crayons de l’illustrateur Charles Addams. Ceux qui ont connu une des précédentes variations ont généralement de bons souvenirs devant l’excellente série télévisée (1964-1966) ou l’amusant film de Barry Sonnenfeld de 1991 et sa suite en 1993, mais il y en a eu de nombreuses autres. Parmi les plus récentes incarnations, le dernier film datait de 1998, produit pour le marché de la vidéo, et il y a peu de chances que vous et moi ayons vu la comédie musicale crée en 2009.

Il y avait donc un vide pour un gothique grand public, une place qu’a pu occuper Hôtel Transylvanie en 2012 et plus, même si la série de films d’animation reste différente, plus moderne, plus énergique sur la forme mais peut-être plus creuse dans le fonds.

La Famille Addams, c’est cette curieuse famille qui vit dans un gothique hors du temps, adepte de jeux mortels et de plaisanteries morbides, sans pour autant qu’aucune violence ne soit trop explicite. L’exubérant Gomez est le père, passionné des jeux de l’amour, Morticia semble froide et sur la défensive mais possède un grand coeur, Mercredi est la petite fille cynique qui cherche à tuer son petit frère Pugsley, l’ahuri oncle Fétide sans oublier les fidèles Max, majordome au vocabulaire réduit, créature de Frankenstein ou La Chose, main très baladeuse.

Réuni par les liens du sang ou de la loyauté, ce petit ensemble n’aime rien de moins que les décorations un peu surannées, les tortures médiévales, les monstres sous le lit et autre manoir forcément hanté. La Famille Addams n’a pas conscience d’être différente, elle est accommodante avec les émanations de cette société plus traditionnelle autour d’elle, et qui ne manque jamais de se rappeler à son souvenir. Même si certaines personnes les quitteront les yeux exorbités, un gros cri dans la gorge et les jambes à leur cou, accompagnés d’un haussement d’épaules du membre Addams impliqué.

Le regard qu’offre ce nouveau film sur la société moderne est d’autant plus intéressant qu’il découvre un angle assez critique mais jamais appuyé. Entre le concours de science où tout le monde est gagnant, le concours de miss et certains personnages qui n’apparaissent parfois que pour quelques scènes, le film s’amuse de cette société où chacun veut exister et briller devant les autres. En participant à un concours de science sans enjeux ou en dansant sur une scène ridicule mais devant un public, ou en utilisant les réseaux sociaux et les téléphones portables à l’image de ces influenceuses tête-à-claques pour se sentir exister.

En dehors de cette famille qui se chamaille mais qui reste et restera soudée, où chacun a la liberté de s’exprimer, à la fois old-school et fantasque, le monde est égocentrique et manipulateur, d’une modernité pas si réjouissante.

Ce sous-texte est en creux, mais il se révèle néanmoins intéressant, prouvant que cette adaptation n’est pas celle au rabais que certains voudraient voir. Celle-ci reste destinée aux enfants, mais la lecture offre plusieurs niveaux que percevront les adultes les plus attentifs. Certaines allusions ne manquent pas de sel. Tous s’amuseront de certains gags parfois morbides, dont l’entêtement de Mercredi à user de stratagèmes pour torturer Pugsley.

Si ce dernier était plus central dans le premier volet, ce deuxième film se consacre avant tout à la froide et manipulatrice Mercredi, jeune enfant proche de l’adolescence, aux tourments qu’elle analyse avec une rigueur toute méthodique. L’argument principal de cette suite est la quête d’identité de Mercredi, qui se perçoit comme différente du groupe et de la famille, un passage habituel dans la vie d’un être humain. Ce questionnement identitaire est néanmoins appuyé par la possibilité que la jeune fille ait été échangée à la naissance avec une autre.

Cela va de pair avec la menace centrale qui parcourt le film, avec deux sbires lancés aux trousses de la Famille Addams. Si Gomez et Morticia prennent d’abord la menace avec humour, imaginant un stratagème de Mercredi pour échapper à la virée en vacances de la famille, ils vont rapidement s’en inquiéter, cachant alors à la jeune fille la possibilité de ce rebondissement filial et parcourant les États-Unis à bord de leur camping-car gothique. L’ensemble est rebondissant et ne s’inquiète guère d’être crédible, ce qui va de pair avec les attentes d’un public visé avant tout enfantin.

Si la quête d’identité de Mercredi va de pair avec le caractère romantiquement torturé du personnage, il faut tout de même reconnaître au film une certaine lourdeur, en proposant des intrigues secondaires qui peuvent alourdir, comme Pugsley qui veut se mettre à draguer les filles mais sans grand succès. D’autant qu’avec sa construction sous forme de road-trip, un lieu en chasse l’autre, et même s’il y a quelques bonnes scènes, il y a un certain empressement un peu trop moderne, trop agité pour une famille qui a toujours avancé à son rythme.

Le film a fait le choix de quitter les murs hanté du manoir de la famille, pour passer du bon moment en famille, bien que cela ne se passera pas aussi bien qu’espéré. C’est donc la famille Addams qui va à la découverte du monde. Un monde ensoleillé, loin des oripeaux gothiques, dont le repli à leur amusante et fantasque caravane permettra les quelques moments de retrouvailles avec des environnements plus habituels.

Malheureusement, il semble qu’extraire la famille Addams de leur habitat naturel sur un aussi long cours enlève quelque peu de la magie (noire) de la licence. Les personnages feront illusion, avec leurs plaisanteries macabres, leurs personnalités très marquées, mais on les sent moins à leur place.

Il faut d’ailleurs reconnaître que cette animation souffre des mêmes problèmes déjà observés pour ce premier volet. Si les personnages ne font pas l’unanimité, leur design n’a pourtant jamais été si proche du style de Charles Addams. Mais sans les décors gothiques, les ustensiles de torture et autres accessoires de jeux mortels, la transposition du monde réel que nous propose le film est bien fade, sans grand génie. Les humains présents « normaux » ne sont que des déclinaisons déjà vues ailleurs. Et il serait un peu illusoire de l’utiliser dans l’analyse pour exprimer la vacuité de ces créatures qui veulent exister et briller mais qui se ressemblent tous, mais je le glisse quand même. Quel dommage que l’ensemble soit si peu ambitieux, manquant de scènes à couper le souffle ou qui illustrerait mieux la douce folie des Addams. La conclusion en propose, mais pour terminer le film sur une note pétaradante, pas forcément ratée, mais tout de même un peu loin des standards habituels de la famille.

Cette suite n’est pas loin de s’égarer, avec son rythme un peu trop étouffant, sa technique bien trop sommaire et un curseur dans le morbide familial un peu trop rabaissé avec cette virée en vacances. L’adaptation vise les enfants, il ne faudrait pas l’oublier, mais offre suffisamment de bons points pour que les plus grands reviennent faire un tour avec cette charmante famille. Le film ne perd pas de vue ses personnages et leurs personnalités, qui restent l’une des forces maîtresses de la licence. On peut évidemment ronchonner sur certains problèmes, mais tout de même, quel plaisir de retrouver cette charmante famille, ces affreux zozos avec leur macabre déluré.

SimplySmackkk
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le 20 nov. 2022

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