Après deux premiers films plutôt anecdotiques, Wes ANDERSON s'inscrit dès son troisième long métrage comme l'un des réalisateurs les plus importants de sa génération.
Trop souvent considéré à tort comme un metteur en scène de comédies, il est d'avantage un cinéaste de la mélancolie et du drame, qu'il habille d'un vernis de comédie pour mieux souligner la profonde angoisse qui jalonne son oeuvre et ses personnages.
La Famille Tenenbaum (2002) nous entraîne dans le monde loufoque et cartoonesque d'un patriarche excentrique et de sa famille pour qui ses actes manqués ont fini par les pousser à s'en éloigner.
Gene HACKMAN, Royal Tenenbaum, tient ce rôle à la fois central par son influence sur les destins de chacun qu'étranger à leurs vies. Ruiné il tentera par une ultime manipulation de retrouver sa place parmi eux.
Anjelica HUSTON, Etheline Tenenbaum, en matriarche ciment fissuré est celle qui fera le tampon tout le long de leurs pérégrinations.
Les trois enfants du couple, tous promis à de brillantes carrières dans leurs domaines respectifs, sont devenus au fil des désillusions que les ombres d'eux même, d'abord il y a Chas qui devenu obsédé par la sécurité, suite d'une part au décès de sa femme et à l'accumulation de déceptions générées par son père en a oublié de vivre et enferme ses propres enfants dans une carapace illusoire, que viendra briser Royal. Un rôle aux antipodes des caractères enjoués auxquels nous a habitué Ben STILLER, mais où il excelle. Richie lui est noyé dans une profonde dépression qui trouve son origine dans son amour caché pour sa soeur adoptive, bien qu'il sera le plus fervent défenseur de son père, il s'avérera que c'est finalement lui le plus impacté par son absence et ses trahisons, Luke WILSON confirme sa stature d'immense comédien, Gwyneth PALTROW enfin tient le rôle de Margot, la soeur adoptive dont le statut de fille adoptive sans cesse souligné par Royal, en fait le membre de la famille le plus détaché mais pas le moins impacté.
Wes Anderson, nous entraine avec une certaine jouissance au sein de cette famille où l'on croise une galerie de personnages secondaires aussi caustiques et dysfonctionnels que les autres. Bill MURRAY, Owen WILSON ou encore Danny GLOVER jouent leurs partitions avec toute la gourmandise que de tels rôles apportent.
C'est un plaisir de voir s'animer cette troupe, on rit non pas comme on le ferait d'une comédie populaire, mais plutôt comme devant la folie d'une comédie britannique, acide, pince sans rire, loufoque, j'y ai eu l'impression d'un absurde à la Monty Python ou à la Benny Hill, le tout admirablement rythmé par la mise en scène, le sens du cadre et les couleurs saturées de Anderson, sans oublier son goût pour la nostalgie d'un passé à la fois révolu et encore présent, qu'on retrouve dans les choix des décors, costumes, architectures et d'autres éléments.
Le tout nous questionnant sur les questions existentielles de nos relations de sang et de leurs évolutions en dehors de celles du monde.
Brillant, mais encore une fois, à appréhender plus sous le prisme d'un drame narré comme une comédie que comme une comédie au risque de rester sur sa faim.