La Favorite est mon premier Lánthimos. Connaissant un peu la réputation particulière du cinéma de ce réalisateur, ce n’est pas sans quelques appréhensions que je suis allé en salle découvrir son nouveau long métrage. Et ce fût une belle surprise.
Les décors et costumes sont magnifiques et nous plongent dès le premier plan dans l’époque durant laquelle se déroule l’histoire : au XVIIIè siècle, la Reine Anne, touchée par des problèmes de santé, trône à la cour tandis que Lady Sarah gouverne le pays à sa place, en temps de guerre. C’est dans ce contexte qu’Abigail va débarquer et, petit à petit redistribuer les cartes. Au cœur de plans ornementés d’une très belle photo en lumières naturelles, nous suivons la vie de la cour, ses complots, ses alliances, ses jeux de pouvoir.
Le cinéaste grec caricature l’univers qu’il met en scène. Il casse les codes, faisant danser ses personnages de manière inopportune, forçant sur les clichés d’époques pour se jouer de ses personnages. Ceci rend le film très drôle (davantage lors du second visionnage pour ma part), sans sortir de la trame dramatique.
C’est à un jeu de séduction et de domination que nous assistons. Sarah et Abigail vont, tour à tour, tenter de séduire la Reine, se lançant dans une course de celle qui parviendra à la conquérir (ou la reconquérir). Mais cette course est également un jeu de domination. L’intrigue politique est toujours au cœur des débats et des desseins de nos personnages : Abigail veut profiter de sa proximité avec la Reine pour retrouver son statut et Sarah influence les décisions de la Reine concernant la guerre.
Dans ce jeu entre séduction et domination, entre amour et pouvoir, les trois principales actrices sont très convaincantes. Mention à Nicholas Hoult, qui est hilarant dans le rôle de Lord Harley. Mention également à la bande son, parfois dérangeante, parfois très agréable, mais toujours dans le ton et au service du film.
Pour finir, j’aimerais me lancer dans une petite tentative d’interprétation concernant les lapins :
Les lapins pourraient symboliser les faiblesses, les cicatrices de la Reine. Elle en parle explicitement avec Abigail lorsqu’elle lui dit qu’elle a 17 lapins et qu’elle a perdu autant d’enfants. A la fin, quand Abigail écrase le lapin, cela viendrait appuyer le fait qu’elle a joué avec les faiblesses (et les lapins) de la Reine pour arriver à ses fins. A l’inverse, au début du film, Sarah refuse de dire bonjour aux lapins : « Non, c’est macabre ! », dit-elle, témoignant de son amour sincère pour la Reine.
Lors du plan final, on voit des plans se superposer, Abigail et les lapins se confondant dans l’image. Nous pourrions voir ça comme le fait qu’Abigail devient un lapin aux yeux de la Reine, une blessure de plus, une des « plaies ouvertes » dont elle parle plus tôt dans le film.