Grâce à son étonnante construction, à la tension toujours maintenue à son comble et aux intrigants nombreux personnages secondaires, The enforcer est un film noir envoûtant se distinguant de la multitude flopée des films de genre.
Mais qui est ce satané Mendoza, diable veillant la nuit pour préserver le chaos ? On a beau ne pas le voir pendant longtemps, tout le monde tremble à mourir, capable qu’il est, comme le Keyser Söze d’Usual Suspects, de susciter un effroi démesuré même chez les plus impitoyables criminels à la seule évocation de son nom. D’emblée, grâce à son absence spectrale ajoutée à l’image expressionniste (contraste noir et blanc, prises de vues urbaines sombres et lugubres, lignes fuyantes, ombres, fumées), une ambiance est créée dans laquelle flotte la peur de la mort soudaine et une grande violence latente prête à exploser.
Puis, la galerie de personnages œuvrant pour cet être mystérieux, invisible comme le Malin et n’apparaissant qu’à travers de brefs et comminatoires coups de fil, surgit peu à peu, au fil de l’histoire et des multiples analepses magnifiquement imbriquées (sans jamais perdre le spectateur, ce qui est une prouesse narrative) : lugubre et délirante brochette de tueurs à gages, magnifiques fous, tous devenus peu ou prou dérangés sous l’implacable férule de leur commanditaire.
En même temps, l’inspecteur (Bogart) ne lâche rien pour condamner cet homme de l’ombre, déjà enfermé mais sans preuve ni témoin à charge, et nous fait remonter le fil des assassinats à travers ces fameux flash-back : petit bijou d’orfèvrerie scénaristique incrustant pierre sur pierre avant de nous révéler somptueusement le tout.
Un très bel instant de cinéma.