Il y a deux manières de voir le film. Soit on s’arrête au côté laborieux « les alcooliques anonymes pour les nuls » et ça fait du Zulawski filmé par Sautet, où les abymes des personnages se cognent aux plates façons et conventions d’un cinéma mainstream. Soit on prend un peu patience, et un vrai mélodrame se fait jour - du coup Malavoy en épigone de Rock Hudson, ça passe. Une sorte de "Secret Magnifique" avec Trintignant en figure tutélaire, très sérieux, ne lâchant rien, occupé par sa tâche : comme le film exactement. Car au delà des scories, le film a un mot à nous dire (à savoir : il vaut mieux vivre que mourir…) et il poursuit son chemin sans faillir pour nous le délivrer crânement, au risque du ridicule. Le récit maintient un cap surprenant, puisqu’il se refusera à jouer la carte chutes et rechutes. Malavoy s’arrête de boire, point. Et c’est effarant. Le scénario quitte la route balisée du film d’alcoolique en faisant confiance à son personnage, contre tous et contre toute attente. Contre sa femme, surtout, Birkin en total contre-emploi. Car le secret, c’est qu’il n’y avait pas un mais bien deux addicts. Lui à l’alcool, et elle à lui. Birkin qui a tant personnifié la muse (Gainsbourg & Doillon), qu’on a tant vu tout supporter des hommes (le début la prend justement à cette place sacrificielle), voici qu’elle retourne sa dévotion en destruction, voici qu’elle ne pense plus qu’à elle. Enfin. Emmurée dans sa jalousie, comme la face B de sa soumission. Elle transcende le film, fait croire absolument aux décors et aux dialogues (les siens mais du coup ceux des autres), allume la mèche du mélodrame flamboyant, explose la machine télévisuelle qui n’attendait que ça.