L'exubérante dépressive
Si les références formelles à Dolan et plus encore à la Nouvelle Vague sont évidentes, ce n'est pas pour autant que le premier long-métrage de Monia Chokri, La femme de mon frère, n'a pas de...
le 26 juin 2019
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La femme de mon frère fait penser à ces êtres survoltés qu'on croise parfois dans une soirée, qui débitent de la vanne à la mitraillette. Chez qui on ressent un besoin d'exister qui leur fait prendre toute la place. Brillants, mais vite fatigants.
C'est le parti pris de ce film : du rythme surtout, du rythme ! Et de l'humour qui cogne. Ce type de registre est à double tranchant : soit on adhère et on adore ; soit on ne rentre pas dedans et on subit. Je crains d'entrer dans la seconde catégorie. L'humour est chose mystérieuse : je ris aux Bronzés, pas du tout à La vie est un long fleuve tranquille, pourtant pas si éloignés dans le propos. Et comme ce film est basé sur l'humour...
Tout m'a semblé outré dans cette comédie. Les dialogues "coup de poing", qui trouvent leur acmé lors des repas - en famille, au restaurant. Les personnages, caricaturaux, à l'image du père fantaisiste et de la mère trooop coooool. Le montage, saccadé. Et le filmage, multipliant de façon assez gratuite les plans incongrus, comme celui de la table du dîner en contreplongée.
Surtout, le film manque cruellement d'épaisseur : quel est le propos au juste ? La relation fusionnelle d'un frère et d'une soeur, qui éclate lorsque le frère trouve l'âme soeur ? C'est ce qu'il ma semblé, mais alors je trouve le sujet particulièrement mal creusé, Monia Chokri restant vraiment à la surface des choses, toute occupée qu'elle est à alimenter la machine à vannes... Dans le style "portrait d'une jeune femme déjantée", je préfère de loin Le nom des gens, auquel le film me fait un peu penser. Et dans la catégorie "chronique familiale douce amère", j'ai beaucoup plus accroché au Premier jour du reste de ta vie, qui lui m'a vraiment amusé. Le film peut évoquer aussi Les amours imaginaires, de son mentor Xavier Dolan (dans lequel Monia Chokri joue)... en nettement moins convaincant.
Quelques moments particulièrement pénibles :
- La longue scène dans la soirée au début où tout le monde se hurle des vannes.
- Le cliché de la scène en boîte de nuit (oui, je fais une fixette là-dessus, mais c'est vraiment souvent qu'on doit subir ce truc-là).
- Un autre cliché que je supporte mal, le "clip" (on fait défiler des images sur une musique, métaphore de la vie qui s'écoule : mièvre au possible - ici Sophia et son nouvel amoureux à la fin).
- La scène où le père explique la vie à Sophia : changement de registre total tout d'un coup, malheureusement pas assez fort pour convaincre.
Ne soyons pas trop sévère, quelques jolis moments doivent aussi être mentionnés :
- La médecin qui cherche son stylo (à noter que la vanne, peu après : "oui, on se connaît, on a couché ensemble il y a x années" a déjà été faite dans Le goût des autres).
- Un très joli plan sur Sophia en plongée sur son lit alors que son frère discute avec elle : elle replie les genoux et l'effet est superbe.
- La dernière scène du dîner qui vire à l'hystérie du frère et de la soeur : pour une fois, on laisse le temps à la mayonnaise de monter, et le film décolle !
- La scène où Sophia et Karim tentent de se parler alors qu'une fanfare a envahi le café où ils se trouvent, idée assez drôle.
- La dernière scène dans les barques, avec les portraits des jeunes dans les embarcations, constitués en couple un peu plus tard, qui se retrouvent vers le milieu du lac : la plus belle scène du film pour moi.
Et puis les acteurs sont très bien, et il y a ce savoureux accent québecois ! Ces quelques pépites montrent que Monia Chokri n'est nullement dénuée d'un vrai talent. Dommage qu'elle veuille à ce point épater le spectateur...
Créée
le 6 juil. 2019
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