Ce qui est bien avec Louis Delluc, c'est quand il situait son film dans un lieu précis (genre le Pays Basque pour Le Chemin d'Ernoa ou les bords du Rhône pour L'Inondation !), il le tournait sur place. Dans La Femme de nulle part, l'action se situe à Gênes, donc ça a réellement été filmé à Gênes. C'est un bon prétexte pour voir comment la ville italienne était dans les années 1920. Cela a un aspect documentaire intéressant, filmé avec une maîtrise visuelle et technique impeccable. Delluc aurait pu être un bon réalisateur s'il s'était consacré au documentaire. Malheureusement, il a choisi la fiction...
Il faut bien reconnaître que ses défauts, à base de mauvaise direction d'acteurs et de mauvaise écriture scénaristique, sont ici un poil moins gênants que dans des films comme Fièvre ou Le Chemin d'Ernoa, mais pas suffisamment pour que ça ne reste pas globalement très moyen, à la limite du médiocre.
L'intrigue bien mélo d'une femme usée par les âges et les épreuves de la vie qui revient sur les lieux de sa jeunesse et qui évite à une épouse de refaire la même connerie qu'elle, c'est-à-dire se barrer avec un amant en laissant mari et enfant derrière, n'est pas celle du siècle, pas d'une originalité bouleversante, mais elle se tient en ne contenant pas le lot de grosses invraisemblances que l'on peut voir dans les autres œuvres visibles, à l'heure actuelle, du cinéaste.
Se tient aussi la direction d'acteurs, si on excepte l'actrice principale et épouse de Delluc, Ève Francis.
Oui, en effet, cette dernière, qui a, en outre, vingt kilos de maquillage sur le visage, se croit très visiblement au théâtre et en fait des tonnes dans la gestuelle. Son cher mari aurait peut-être dû lui faire comprendre que le parc d'une villa italienne n'est nullement une scène devant un large parterre mis sur son 31. C'est franchement irritant.
Cela n'aide pas à entrer dans le film, en plus en rien arrangé par des intertitres, sentant fort l'emphatique amoureux à deux sous, tout à fait dignes de la collection Arlequin, et un ensemble qui s'étire inutilement en longueur. Oui, cela a beau ne durer "que" soixante-six minutes, vingt d'entre
elles auraient pu être dégagées sans problème.
Reste quelques bonnes idées, notamment autour du fait que le retour dans des choses familières activent tout de suite des souvenirs de jeunesse. Quel dommage que ces moments qui auraient pu être touchants soient ruinés par le jeu pourrave de Francis.
Pour faire le bilan de ce film, mais aussi des trois autres que j'ai vus de lui (cités dans cette critique !), je ne nie pas que le cinéma de Louis Delluc ait quelques qualités qui méritent d'être signalées, mais ses défauts me font complètement passer à côté de l'admiration (dans un cercle ultra-restreint du cercle ultra-restreint du cercle ultra-restreint des cinéphiles les plus acharnés, il faut savoir remettre les choses à leur place et à leur niveau tout de même !) qu'il peut susciter chez certains. Le Septième art français muet, malheureusement assez méconnu, a quelques grands noms (Raymond Bernard, Marcel L'Herbier, André Antoine ou encore Abel Gance !), mais, pour moi, Delluc n'en fait pas partie.