Suite à la guerre, Okane, une jeune femme voulant échapper à la misère, devient la concubine d'un vieillard jusqu'à la mort de celui-ci. Par la suite, elle tombera amoureuse d'un jeune homme et tentera de vivre une vraie histoire avec lui.
Yasuzo Masumura nous immerge totalement dans la vie de cette jeune femme qui s'est peu à peu retrouvé exclu de la société pour avoir été la maitresse d'un riche homme âgé. La force de La Femme de Seisaku, c'est de jouer sur plusieurs tableaux et d'arriver à nous faire passer par tout un éventail d'émotion pour chacun d'eux. Il met en place une atmosphère souvent lourde, intense et parfois touchante et sensuelle et, avec l'aide d'un magnifique noir et blanc, donne à son oeuvre une vraie beauté picturale
C'est d'abord le portrait critique de la société japonaise du début du XXème siècle, qui ne manque pas d'être en lien avec l'évolution de ce pays par la suite. Masumura montre une société manquant cruellement de liberté et cherchant à dicter la façon de penser à chacun de ses concitoyens, quitte à broyer leurs sentiments et notamment ceux de cette jeune femme, prête à tout pour ne pas perdre celui qu'elle aime. C'est notamment lors des séquences au coeur du village et la façon dont Okane va être rejeté qu'il montre toute l'absurdité de la situation et des moeurs alors en place. Il pointe aussi l'impérialisme japonais et la place de l'armée dans cette société, décrivant l'absurdité, les préjugés et la façon de pensés de ce Japon-là.
Finalement, La Femme de Seisaku, c'est aussi, et surtout, une histoire d'amour impossible et, derrière cette forte critique, se cache un mélodrame d'une justesse incroyable où Masurama fait ressortir l'émotion et la dramaturgie de son récit et des personnages (très bien écrits et interprétés d'ailleurs). Il met bien en avant la puissance et la passion de ce nouvel amour, qu'il met en lien avec le regard des autres et l'impossibilité d'en faire abstraction. Il joue dans la sobriété, sans en faire trop et sachant nous immerger aux côtés des personnages, le tout avec une grande maitrise technique, notamment dans ses cadres et sachant rendre plusieurs scènes marquantes, notamment lors de la dernière partie.
À la fois dur et beau, intelligent et touchant, la Femme de Seisaku est une énième preuve de l'intemporalité du cinéma, permettant à Masurama de montrer tous ses talents et de me donner envie de découvrir au plus vite son cinéma. (Et grand merci à Kalopani pour la découverte !)