Quel cinéaste, quel artiste peut se targuer d'une filmographie aussi engagée que celle du méconnu Yves Boisset ? Franc-tireur du cinéma français n'y allant pas par quatre chemins lorsqu'il s'agit de s'emparer à bras-le-corps d'un grand ( ou même moindre ) sujet social, politique ou idéologique Boisset réalisa quelques-uns des films les plus audacieux des années 70-80 : de la critique acerbe du dualisme moral de la police de Un Condé au passage au crible des jeunesses militaires françaises de Allons Z'enfants en passant par le dystopique et génial Le Prix du Danger le réalisateur n'épargne rien ni personne, qu'il s'agisse des puissants ou des petites gens ; en prenant souvent le point de vue d'un protagoniste donné qu'il confronte, seul contre tous, à l'ignominie de son entourage Boisset livre souvent des films à message hautement efficaces et percutants dans le même mouvement d'impertinence. C'est encore une fois le cas avec La Femme Flic, métrage injustement oublié de sa fructueuse carrière...
Film terrible et culotté La Femme Flic est un morceau de cinéma entièrement représentatif du courage propre au réalisateur. En attribuant le rôle principal à Miou-Miou ( icône de la libération sexuelle du cinéma des seventies ) Boisset se fraye d'ores et déjà un chemin vers des accointances féministes, tirant le portrait à boulets rouges d'une police judiciaire mysogine et condescendante à l'encontre du sexe faible - ou fiable. Plongée nauséeuse et terrifiante dans les groupuscules pédophiles d'une bourgade du Nord de la France La Femme Flic est un film nous communiquant sans gênes son antipathie envers les notables, patrons et autres entrepreneurs de tout poil : encore une fois les puissants rejoignent la sellette de l'auteur de L'Attentat et du Prix du Danger, montrant sans fard un système judiciaire lâche et complaisant face aux agissements criminels des grands décisionnaires politiques.
Si le film est techniquement imparfait et que l'interprétation de Miou-Miou est bonne sans jamais réellement décoller sur la durée le propos est - comme de coutume chez Boisset - risqué et redoutablement intelligent, donnant en fin de compte des élans de lucidité proprement mémorables aux spectateurs. Personne n'est peu ou prou sauvé par le regard acéré du réalisateur, aussi bien les odieux dignitaires sus-cités que les animateurs culturels d'une MJC pétris de préjugés moraux ou tout le large pan masculin de la communauté judiciaire à laquelle appartient la jeune inspectrice Levasseur ( Miou-Miou, donc ). L'oeuvre est choquante, limpide en dépit d'une certaine absence de nuances : elle est à découvrir absolument, de la même façon que tous les autres films d'un homme aux combats multiples et nécessaires.