Ce qui ressort en premier lieu de ce film, c'est bien sûr l'intérêt porté par le réalisateur à la classe paysanne. A la surface du film, c'est donc l'évolution du quotidien agricole sur un demi-siècle qui défile devant le yeux du spectateur. Cette première dimension est politique et sociale, G. Perret se concentrant sur la pénibilité, le travail, la mécanisation, le temps libre et les revenus des agriculteurs, de 1972 à nos jours. C'est très bien fait, et visionner ces grandes dynamiques à échelle micro permet de mieux les comprendre.
Mais il me semble que s'arrêter à ce niveau de lecture serait une erreur. Ce film a selon moi une ambition beaucoup plus profonde, infiniment plus élevé, que la "simple" étude historique d'une profession. C'est une œuvre qui touche à l'universel (pour paraphraser le réalisateur), et qui peut résonner jusque dans le cœur d'un spectateur qui n'a jamais connu la campagne et la vie paysanne.
Parce que le plus intéressant dans le film, ce n'est pas la ferme, mais bien le temps long (50 ans) et les hommes. Le temps n'est pas présentée de manière linéaire, mais les différentes couches temporelles se succèdent et s'enchaînent, le spectateur fait face à plusieurs présents à la fois, et parfois, tout omniscient qu'il devient, il connait le destin des protagonistes du XXème siècle qui s'agitent devant lui. Ainsi, lorsqu'un des trois frères, Joseph, confie en 1997 son rêve de voyager pour voir une ferme à l'étranger lorsqu'il prendra sa retraite, le spectateur sait à l'avance, parce qu'il revient de 2022, qu'il n'aura jamais cette chance.
Cette présentation du temps long pousse à l'introspection et interroge sur le destin, le sens de la vie, le bonheur, la question du travail, la beauté de la transmission et la nature de la famille.
Plus que politique et social, ce film est avant tout philosophique.