Si vous n'avez jamais vu un film de Jean Rollin, peut-être faut-il voir celui-là qui peut être une bonne introduction à son univers. Cet artisan du cinéma français, inconnu du grand public, considéré comme nullissime par beaucoup, culte pour quelques-uns, a réalisé entre 1968 et 2007 un très grands nombre de films fantastiques, dont plusieurs sur le thème du vampirisme, ainsi que des films érotiques ou même franchement pornographiques, destinés à payer les frais des précédents. Comme la plupart de ses films, La fiancée de Dracula est un invraisemblable mélange de cinéma d'auteur expérimental (on songe un peu au Rivette des années Out one spectre), de film fantastique, de roman-feuilleton (Gaston Leroux notamment mais on pense aussi à la série des Harry Dickson de Jean Ray), de surréalisme (on pense beaucoup au Bunuel des années 70 pour le côté délire sur tout ce qui est clérical et il faut ajouter que Rollin partage avec Bunuel l'excellent acteur Bernard Musson, un des plus célèbres troisième couteau du cinéma français), de film érotique. L'histoire est complètement invraisemblable, les adorateurs du « Maître » (il s'agit de Dracula) sont regroupés dans la secte des « Parallèles » et doivent célébrer l'union de Dracula avec une jeune fille qui est gardée par les religieuses de l'ordre de la vierge blanche. Il y a, entre autres, sœur Bouffarde, sœur Cigare, le nain Triboulet, une ogresse qui mange les bébés tout crus, une vampire qui se balade presque toujours toute nue (et qui est aimée par le nain), un couple de vieux sorciers, un professeur, médium, et son assistant qui mènent l'enquête et tentent d'arracher la jeune femme aux griffes de la secte. On n'y comprend pas grand chose, les acteurs usent d'un ton déclamatoire théâtral très surprenant, horripilant diront la plupart, et on est souvent à la frontière du nanar. Pourtant, il se dégage de tout cela une poésie, une naïveté, et surtout un amour du cinéma qui ne peuvent qu'émouvoir si on n'est pas complètement anesthésié par le cinéma standard. Comme le dit magnifiquement Vincent Malausa, critique aux Cahiers du Cinéma, « Le cinéma de Jean Rolin marche sur le vide à la manière d'un canot titubant pris dans le feu des rêves. Il reste d'un tel film un souvenir scintillant une persistance diffuse, comme la trace d'un songe lointain et jamais vraiment éteint. ». J'espère que tout cela vous donnera envie de découvrir cet ovni du cinéma français.