Toujours empêché de voyager hors des frontières russes mais "autorisé' à tourner, Kirill Serebrenikov, avec La fièvre de Petrov, risque de désorienter les amoureux du sublime Leto qui ignoreraient ses opus précédents. Cette journée d'un auteur de BD, atteint par une grippe carabinée, s'éloigne en effet assez vite du réalisme pour plonger dans des visions délirantes et extrêmes où alcool, sang, sexe et humour noir s'assemblent dans un cocktail détonant qui fait exploser tous les repères, près de 2h30 durant. A l'exception des scènes liées à l'enfance, avec sa charmante fille des neiges, le film se consomme trash et punk, dans un style qui rappelle, par ses pulsions radicales et peut-être son esprit de provocation, le Ken Russell de la grande époque, en plus sauvage encore. Il serait trop facile de dire qu'il s'agit d'un film que l'on adore ou que l'on déteste car il est aussi possible d'y prendre un plaisir inégal, parfois enchanté et parfois agacé par les mille et une pirouettes narratives de l'auteur. Lequel, c'est pourtant une évidence, et c'est au moins vrai depuis Jour sans fin à Youriev et surtout Le disciple (quel film !), est bourré de talent, tant pour l'écriture (ses pièces de théâtre sont remarquables) que pour l'aspect visuel. La première projection de La fièvre de Petrov peut déboussoler, voire traumatiser, surtout si le spectateur n'est pas au zénith de sa forme physique (en festival, par exemple). Il est donc probable qu'une deuxième vision ne peut qu'être profitable à celui qui en aura le courage. Tout en restant persuadé que jamais le film n'atteindra les sommets d'émotion du merveilleux Leto qui peut lui être vu et revu ad libitum.