Il est compliqué d'appliquer un avis tranché après un seul visionnage de La Fièvre de Petrov tant ce qui y est raconté est dense et plein de messages politiques. Le réalisateur offre une expérience cinématographique assez exceptionnelle mais difficilement accessible pour ceux s'y aventurant par curiosité.
Le film offre un panel de discours sur la situation de la Russie, ce pays délabré représenté par tous les corps immondes en une seule première séquence qui met en scène la pédophilie, l'homophobie, le racisme.. S'en découle ensuite tout un discours sur la politique corrompue, où il n'y a plus de démocratie. Discours interprété par des personnages vivant dans des taudis, buvant de la vodka jusqu'à plus soif, se racontant leurs problèmes quotidiens, sous fond de musique d'accordéon, d'aboiement de chiens, et de froid glacial. Dans cette farandole de messages, le réalisateur choisit de dresser sa mise en scène en donnant la grippe aux personnages principaux, symbole d'une Russie malade qui est spectatrice de sa destruction et de sa descente aux enfers. Atteints par cette grippe, les personnages principaux entrent dans des transes qui mélangent le rêve à la réalité, les fantasmes drôles et légers (la scène de bagarre, ou la scène de sexe dans la bibliothèque) aux fantasmes les plus noirs, que je ne préfère pas préciser pour ne pas tout gâcher.
Le film va donc aussi créer des liens entre ces personnages dans l'histoire, sous fond d'un flashback en noir et blanc qui nous met en scène la chute d'une jeune femme jouant la Fée des Neiges pour la fête de Noël. Fête qui sera la toile de fond du film, qui désacralise la poésie pour laisser place au mal intérieur de ses personnages. Bref, tout est très dense dans La Fièvre de Petrov, car les messages et les sous-entendus sont permanents, et la mise en scène dans ses plans séquences impressionnants, ces raccords brutaux dans les décors, ces monologues russes à n'en plus finir, rendent difficile l'accès au film qui peut paraître au pire un mélange pas très digérable. Sa longueur (bien que je ne l'ai pas vu passer) peut aussi en rebuter plus d'un, et le malaise permanent saupoudré parfois de sarcasme morbide, voire même très drôle, ne facilite pas la tâche.
La photographie raconte aussi quelque chose, dans ces plans en courte focale où tout est flou autour du sujet net pour accentuer la sensation d'isolation de chacun d'entre eux. Ce flou disparaît dès qu'il y a une petite légèreté, qui sert presque de pause avant de repartir dans les limbes russes, marqués par un ton jaune orangé, et parfois très froid, toujours contrasté dans les visages. C'est très bon film, qui n'est pas clair au premier abord et peut perdre le spectateur dans sa longueur et ses quelques dialogues interminables, mais dispose d'un discours poignant sur la Russie, pays représenté ici comme un enfer englouti par la pauvreté et la haine de l'autre.