La fièvre du samedi soir, je ne l'avais jamais vu, et d'ailleurs, pas vraiment entendu parler. Tout ce que je savais est que c'était un film culte sur la disco. Autant dire que je ne m'imaginais pas client, parce que la disco, c'est supportable certes, mais je ne m'en passerais pas un album entier, alors tout un film...
C'est donc d'un œil neuf que je tente le visionnage, après l'avoir trouvé bradé sur une brocante aux côtés de DVD particulièrement intéressants.
Le film s'ouvre sur John Travolta cherchant à tabasser le cameraman à coups de pieds, pourquoi pas. Peut-être celui-ci a-t-il dit qu'il n'aimait pas la couleur de ses chaussures?
Plus sérieusement, La fièvre du samedi soir est un film musical réussi. Les couleurs et lumières de la piste de danse y sont mises en opposition avec la vie tout sauf reluisante des jeunes danseurs. Travolta, dans sa famille, c'est un moins que rien, le jour il gagne péniblement sa vie et se retrouve tout ému de recevoir une simple augmentation, car cela signifie pour lui un compliment, enfin. Mais le soir, sur la piste de danse, il est le roi, acclamé par tous.
Le couple de personnages principaux cherche la même chose, échapper à leur milieu, ce qui explique pourquoi ils sont attirés l'un par l'autre. Stephanie a d'ailleurs quitté le quartier, passant de Brooklyn à Manhattan, alors elle se comporte comme une arriviste. Elle n'a pourtant pas beaucoup plus de culture que Tony, ainsi que le montre un dialogue très drôle autour de Roméo et Juliette.
Les scènes de danse sont bien sûr une réussite. La musique, chacun est juge, pour ma part je noterai une très bonne reprise disco de La nuit sur le mont chauve, très certainement une contribution de David Shire, crédité au générique. Et le film a l'intelligence de montrer l'envers du décor. Loin d'une apologie de la disco transcendant la réalité sociale, il va s'attacher à dynamiter le rêve de l'intérieur. Ainsi du personnage de la jeune fille amoureuse de Tony, qui vivra une réelle descente aux enfers, dans des scènes dont la cruauté va croissant. Le point culminant est atteint quand Tony se rend compte que le monde rêvé de la discothèque reprend les codes sociaux, et que le racisme y reste roi. Sa prise de conscience lui permettra, enfin, de tenter de quitter le quartier, dont dès lors il n'attend plus rien.
Ainsi, loin de l'apologie dont les plans en contre-plongée du début se faisaient l'écho, La fièvre du samedi soir se révèle un film noir. Tony Manero, l'idole d'une génération, n'est finalement qu'un gars paumé parmi d'autres. Mais après tout, eidolon, en grec, ne signifie -t-il pas l'image trompeuse?