Après une leçon de carrière avec “Terre Battue” et “Allons Enfants”, un Paris post-attentats mettant en scène ses propres enfants, Stéphane Demoustier ne relâche pas sa fibre familiale et il nous projette de nouveau dans l’une d’elle, repoussée dans ses doutes. Et c’est un peu le gros pari de l’oeuvre qui cherche à faire entrer le spectateur en phase avec le quotidien d’une famille qui démarre un procès. L’ouverture est à l’image de ce qu’on pourra constater par la suite, c’est d’abord le paradis, les vacances, le calme, la paix, mais qui soudainement s’enfuit en même temps qu’une jeune fille qui ignore tant de choses et qui en apprendra plus qu’il n’en faut pour une vie d’adolescente. Peu de temps morts dans ce drame judiciaire, qui nous fait prendre les mêmes allers et retours entre le tribunal et un domicile qui a vraisemblablement perdu de sa saveur. Mais qu’en est-il réellement ? L’objectif est pourtant si limpide dès les premières lignes, car la résolution d’une sombre enquête n’est qu’un support. La réflexion conduit à la légitimité de l’accusée, dont nous sommes à la fois les juges et les bourreaux.


Tout gravite autour de Lise (Melissa Guers), adolescente contemporaine, que l’on explore par ses passions et sa caractérisation spirituelle. Elle est au milieu d’une cible facile, d’un crime odieux et d’un débat qui confronte les hommes et la morale. Le portrait de cette femme est décortiqué à la cour, mais c’est surtout le rapport qui la lie à ses amis de sa génération ou sa famille qui intéresse le réalisateur. Le scénario témoigne justement de ce parti pris, sincère et efficace. De ce fait, la jeunesse est passée en revue, mais de manière obsolète car il serait déplacé de déclarer la vérité absolue. Le récit nous laisse tout un tas d’ouvertures à propos de cette génération déchaînée, mais qui peut aussi s’exposer à des difficultés plus tenaces, le genre d’émotion qui est gravé dans la chair et dont il faut connaître les rouages afin de les interpréter. Et c’est là qu’interviennent à la fois les points forts et les limites de l’exercice de style. D’une part la double lecture du procès ne se sert pas de Lise comme outil de moralisation, car il faut savoir nuancer cette classe sociale à part et le film le fait dans la subtilité et en adéquation avec son support juridique. Malheureusement, c’est l’intense interprétation de cette métaphore de la jeunesse qui voile une partie de l’émotion. Et même qui elle s’avère troqué par du suspense comme nous les apprécions, il y avait sans doute une meilleure justesse à cerner dans ce tribunal.


Le fait d’opposer une avocate générale (Anaïs Demoustier), aussi jeune et aussi rigoureuse n’est sans doute pas un hasard. Comme Lise, elle cherche également à trouver sa placer dans une société dirigée par des codes, dont elle apprend à ses dépens. Et l’avocate surenchérit à chaque prise de parole et nous fait prendre conscience du poids des mots, comme le poids du silence. La mise en scène ne cherche donc pas plus loin que la plaidoirie, car en dehors de ces séances thérapeutiques et sévèrement épuisantes mentalement, il y a une tragédie qui revendique trop de subtilité jusqu’à ne plus y voir clair dans cette narration qui se répète. Plus l’on avance, plus les preuves formelles s’accumulent et frappent la conscience d’une “femme”, captive de sa condition, captive de ses imperfections et captive d’un bracelet qui lui pend au cou, telle une mise à mort symbolique. Tout fini par revenir au point de départ et inévitablement, nous finissons par assimiler cette démarche qui affectionne les cadres serrés et isolés sur la gestuelle ou le regard des personnages. Le bon équilibre est souvent rompu entre les discours et ces plans tranchants sur le visage, au prix d’un léger flottement, qui ne gâche pas pour autant les valeurs que véhiculent l’intrigue.


En somme, “La Fille au Bracelet” n’est pas une histoire personnelle, mais universelle. Entre un père qui a perdu de vue la jeunesse et la fille qu'il a élevé, une mère qui enfante plus que tout des responsabilités sur une vie dont elle n’a plus le contrôle, un frère cadet solitaire et désorienté dans sa fougue et des amis qui se révèlent insuffisants, l’émancipation de Lise tient dans cette boîte noire dont il faudra accepter la disparition pour se satisfaire de sa culpabilité ou non. Et le plus important après tous ces échanges, c’est de comprendre en quoi chaque personnage œuvre à réparer un lien ou à brosser les contours d’un échec personnel et intime.

Cinememories
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le 13 févr. 2020

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