Etienne n'avait que vingt ans lorsque Valérie dont il était fou amoureux l'a laissé seul avec le bébé qu'ils venaient d'avoir. Elle n'a plus jamais donné signe de vie. Aujourd'hui Rosa a dix sept ans et ne devrait pas tarder à quitter le nid et poursuivre ses études aux Beaux-Arts de Metz, à 300 kms de là. Chacun se prépare à cet évènement à sa façon mais un petit grain de sable inattendu va perturber la mécanique de cet apprentissage réciproque vers la séparation.
Le film évoque comme rarement la relation fusionnelle entre un père et sa fille qui ont parfois l'air d'avoir le même âge. Mais avant cela, le réalisateur expose dans un prologue sans une ligne de dialogue toute la romance qui a uni Etienne et Valérie. Cela suffit pour nous faire comprendre tout de la passion et de l'effondrement d'Etienne lorsque son aimée disparaît. Elle annonce pourtant la couleur dès la première rencontre. Le panneau qu'elle tient lors d'une manifestation indique clairement la couleur en immenses lettres rouges : SANS MOI.
Le physique enfantin d'Etienne/Nahuel Perez Biscayart et la maturité précoce de Rosa/Céleste Brunnquell comptent parmi les qualités de ce film tendre, doux et joyeux. On aime immédiatement ces personnages qui forment un couple plutôt inédit follement libre dont la relation est fondée sur la confiance, la complicité et l'absence totale de tabou quel que soit le sujet. Et notamment la question du sexe que tous les pères et leurs filles n'abordent sans doute pas aussi facilement qu'Etienne et Rosa.
Le style particulier du réalisateur, sa fantaisie, ses dialogues très écrits où chaque syllabe est prononcée, les couleurs joyeuses des décors (et de la maison où vivent les deux personnages) forment un écrin délicieux pour un film gai, tendre et émouvant. Autour du père et de la fille gravitent quelques personnages secondaires mais exquis. La nouvelle amoureuse d'Etienne, Hélène (Maud Wyler) qui essaie de trouver sa place entre le père et sa fille et surtout Youssef (Mohammed Louridi dans son premier rôle) qui écrit des poèmes en prose, pratique l'amour courtois (mais se soulage dans les toilettes), escalade la maison pour entrer par la fenêtre et impressionner sa belle et parle avec une diction digne du XVIIIème siècle avec des intonations proches de celles de Quentin Dolmaire. Une révélation.
Nahuel Perez Biscayart offre son visage juvénile (il a pourtant l'âge du rôle, 37 ans) et surtout son regard tellement expressif à ce personnage de papa poule, fan et fier de sa fille, très responsable et sa fantaisie dans l'exercice de son métier d'entraîneur de foot qui veut à tout prix mettre du sentiment et de l'émotion dans chaque action footbalistique. Il est formidable.