Tout d'abord, une petite précision, je n'ai pas lu le roman original donc en conséquence évidemment je ne peux pas faire de comparaison livre-film. Maintenant, là où c'est difficile de ne pas comparer, et je sais très pertinemment que je suis juste le 10 000 000ème à faire cela, c'est de relever l'abysse de qualité entre la flamboyante réussite d'un des plus grands cinéastes actuels, l'immense David Fincher, avec Gone Girl auquel ce film tente désespérément de ressembler jusqu'à même une séquence de douche.
Oui, mais voilà David Fincher, c'est Se7en, Fight Club, L'Etrange Histoire de Benjamin Button, le type qui même avec un matériau a-priori peu cinégénique (coucou The Social Network que j'aurais pu intégrer aussi dans la précédente liste mais je ne l'ai pas fait parce que ça fait redite !!!) réussit quelque chose de grand. L'homme qui peut transformer du plomb en or, et l'or en platine. Et puis, on a Tate Taylor, médiocre yes-man sans talent à qui on doit un film mièvre au succès inexpliqué qui parle de racisme avec la subtilité d'un éléphant dans un cours de danse classique, La Couleur des sentiments.
Et en tant que médiocre réalisateur, il ne manque pas de se louper sur un matériau a-priori très intéressant ; franchement le synopsis est accrocheur... Alors que Fincher avait réussi à fluidifier avec brio une intrigue complexe avec Gone Girl, Taylor complexifie inutilement la narration d'une intrigue simple, lui enlevant une très grosse part de sa profondeur potentielle, préférant les effets narratifs à deux balles que de creuser les personnages et l'intrigue, et en alourdissant le rythme ; ce qui rend très vite le film ennuyeux.
Et les actrices, Emily Blunt, par le fait que le script l'impose en protagoniste, se fait obligatoirement remarquer en alcoolique voyeuse et qui n'arrive pas à tourner la page de son passé. L'actrice, d'habitude excellente, en fait un peu trop le réalisateur n'ayant pas visiblement fait l'effort de contrôler ses excès de cabotinage. Rebecca Ferguson n'est jamais mise en valeur, ni l'ambiguïté de son personnage par ailleurs (formidable potentiel dans cette optique pourtant !!!) ; mais le réalisateur n'a visiblement jamais vu un Hitchcock, un Cukor, un Wilder, ou même ce qu'a fait de grandiose Fincher avec Rosamund Pike ; elle ne demandait qu'à être mise en valeur, sublimée, et ce "metteur en scène" l'a transformée en quasi-figurante. Et je ne parle même pas des personnages masculins et des personnages secondaires, qui ne sont que de vulgaires silhouettes juste là pour remplir l'écran.
En ce qui concerne les rebondissements et autres machins, celui qui a vu au moins deux-trois thrillers dans sa vie peut les voir venir bien à l'avance.
La technique, qui se contente de suivre pâlement l'exemple... oui de Fincher, est pourtant par son côté bâclé et son manque absolue d'originalité et de créativité beaucoup plus proche du téléfilm de troisième zone. La musique, là encore, du pourtant d'habitude excellent Danny Elfman est juste illustrative et s'oublie très vite.
Pour finir, le fond... Là, je ne sais pas bien sûr pour le roman... mais là c'est la faute surtout du script, bien qu'on peut objecter que Taylor n'ait certainement rien fait pour l'arranger d'une quelconque manière... Autant Gone Girl était une critique féroce (et le mot est faible !!!) de la Société américaine, autant La Fille du train est d'une grande consensualité inquiétante, d'un politiquement correct agaçant. Quand on y regarde bien, sans spoiler il n'y a absolument rien de critique, au contraire, au contraire...
En conclusion, la preuve de la très grande différence entre un grand réalisateur et un réalisateur médiocre, c'est que le premier peut transformer le plomb en or et le second l'inverse...