L'intrigue en quelques mots. Jenny Davin est un jeune médecin qui exerce à Liège, dans le cabinet d'un confrère parti à la retraite, et qui s'apprête à le quitter pour une maison de santé plus lucrative. Un soir qu'elle sermonnait son stagiaire, Julien, elle refuse d'ouvrir la porte à une patiente venue une heure après la fin des consultations. Celle-ci est retrouvée morte le lendemain, sur un chantier, sans aucun document à même de l'identifier. Jenny, vivement touchée de ce que son refus a coûté la vie d'une jeune femme, décide d'enquêter afin de retrouver son nom. Elle entreprend plusieurs changements radicaux dans sa vie, comme celui de renoncer à son nouveau poste fort honorable, et reprend le cabinet de son confrère, implanté dans un quartier modeste de Liège, où elle sert sa clientèle avec un dévouement très sobre, et où elle dénoue petit à petit les secrets qui entourent le sort de la jeune disparue.
Le film tourne exclusivement autour du personnage du docteur Davin (interprété par Adèle Haenel), et sa manière d'interagir avec son entourage. C'est une jeune femme très mesurée dans l'expression de ses émotions, dont l'attitude sévère à l'égard de son jeune stagiaire (sévérité due à une grande conscience professionnelle) s'estompe dès qu'elle prend connaissance de l'évènement tragique. Elle est dévouée, attentive, calme, dédie sa vie au soin des autres, et poursuit son enquête en faisant toujours passer ses impératifs professionnels devant son besoin de savoir. C'est grâce à cette opiniâtreté et à cette lucidité sur son rôle (en tant que médecin mais aussi en tant qu'être humain) que le mystère se dénoue de lui-même, que les secrets qu'elle pressent chez certains de ses patients, et dont ils subissent le non-dit, lui sont progressivement révélés. C'est en cherchant à soulager son âme que le docteur Davin guérit celles des autres, cure qui s'accompagne d'une morale discrète, qui semble davantage être celle d'un individu qui a trouvé sa voie que celle d'une figure sainte dont on cherche à faire valoir les actes. Car le propos du film n'est pas de rendre justice ; à mesure qu'on pénètre le secret de la jeune disparue, c'est la douleur des personnages qu'on explore, la violence de leurs sévisses, la béance de leurs stigmates, guidés par la spontanéité indéfectible du jeune médecin. La résolution du film n'offre aucun remède définitif à cette souffrance, sinon celui de s'y confronter, placidement, résolument, de sorte que ceux qui la portent puissent la résorber d'eux-mêmes. Les frères Dardennes, dans cet effort de sobriété, m'ont paru montrer une voie fort peu explorée dans l'univers de la fiction, savoir celle des âmes qui cherchent à apaiser celles des autres, qui trouvent leur joie de vivre (plus encore que leur raison de vivre) dans la contribution à un bonheur commun.